Débat: Moi, François Hollande
Tous les commentateurs ont relevé la tirade finale de François Hollande lors du débat qui l'opposait à Nicolas Sarkozy : Moi, président de la République... Répétée 15 fois. Une belle anaphore, figure chère à la plume de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, dont elle a été en quelque sorte la marque de fabrique en 2007 (voir étude ici et ici). Au-delà de cet écho, dont on ne saura jamais s'il était un clin d'oeil ironique, l'affirmation du moi chez le candidat socialiste, présenté souvent comme consensuel et rassembleur, voire « mou », a pu surprendre.
Je me suis livré à une analyse quantitative rapide sur l'usage des pronoms dans le débat par les deux protagonistes. Les résultats sont assez étonnants. On sait que Nicolas Sarkozy était un fervent adepte du moi et du je — égotisme linguistique sur lequel Ségolène Royal n'était pas en reste (voir détail ici, ici et ici). Avant-hier soir, c'est François Hollande qui s'en est fait le champion. Sarkozy et Royal utilisaient le pronom je 17 à 18 fois pour 1000 mots (en 2007), Hollande monte le curseur jusqu'à 22,6. Il ne rattrape pas tout à fait son modèle (gestuel et linguistique), François Mitterrand, qui battait tous les records avec 24 je pour 1000 mots, mais il s'en approche (on se peut sans doute pas rejoindre complètement Dieu). Nicolas Sarkozy est resté fidèle à lui-même, avec presque 17 je pour 1000 mots, comme en 2007. Le moi n'est pas en reste, puisque Hollande l'utilise carrément deux fois plus que Sarkozy (3,4 contre 1,6 pour 1000 mots).
L'usage de la première personne en complément (c'est-à-dire me) est également assez éloquent, puisque là, les fronts se renversent :
Nicolas Sarkozy prend le dessus. Ce n'est pas anodin : c'est un peu plus compliqué, bien entendu, mais comme on l'a en gros appris à l'école, le sujet agit, le complément subit. Et Nicolas Sarkozy était largement dans une séquence de victimisation lors du débat : Madame Aubry me traite de Madoff..., Monsieur Hollande peut me reprocher bien des choses... on m'a reproché... on me dit... Vous me faites une critique... etc.
En opposition, le vous, globalement accusateur, était prépondérant chez Hollande, qui a manifestement réussi à placer Nicolas Sarkozy sur la défensive pendant une grande partie du débat :
Enfin, comme je l'avais fait remarquer en 2007, les pronoms ne valent qu'avec des verbes, et c'est sur la formule je veux que Nicolas Sarkozy était véritablement champion toutes catégories (voir ici). Mais avant hier soir le je veux sarkozien était manifestement en berne. François Hollande voulait deux fois plus.
Comme disait René Char, les mots savent de nous des choses que nous ignorons d'eux...
Je me suis livré à une analyse quantitative rapide sur l'usage des pronoms dans le débat par les deux protagonistes. Les résultats sont assez étonnants. On sait que Nicolas Sarkozy était un fervent adepte du moi et du je — égotisme linguistique sur lequel Ségolène Royal n'était pas en reste (voir détail ici, ici et ici). Avant-hier soir, c'est François Hollande qui s'en est fait le champion. Sarkozy et Royal utilisaient le pronom je 17 à 18 fois pour 1000 mots (en 2007), Hollande monte le curseur jusqu'à 22,6. Il ne rattrape pas tout à fait son modèle (gestuel et linguistique), François Mitterrand, qui battait tous les records avec 24 je pour 1000 mots, mais il s'en approche (on se peut sans doute pas rejoindre complètement Dieu). Nicolas Sarkozy est resté fidèle à lui-même, avec presque 17 je pour 1000 mots, comme en 2007. Le moi n'est pas en reste, puisque Hollande l'utilise carrément deux fois plus que Sarkozy (3,4 contre 1,6 pour 1000 mots).
L'usage de la première personne en complément (c'est-à-dire me) est également assez éloquent, puisque là, les fronts se renversent :
Nicolas Sarkozy prend le dessus. Ce n'est pas anodin : c'est un peu plus compliqué, bien entendu, mais comme on l'a en gros appris à l'école, le sujet agit, le complément subit. Et Nicolas Sarkozy était largement dans une séquence de victimisation lors du débat : Madame Aubry me traite de Madoff..., Monsieur Hollande peut me reprocher bien des choses... on m'a reproché... on me dit... Vous me faites une critique... etc.
En opposition, le vous, globalement accusateur, était prépondérant chez Hollande, qui a manifestement réussi à placer Nicolas Sarkozy sur la défensive pendant une grande partie du débat :
Enfin, comme je l'avais fait remarquer en 2007, les pronoms ne valent qu'avec des verbes, et c'est sur la formule je veux que Nicolas Sarkozy était véritablement champion toutes catégories (voir ici). Mais avant hier soir le je veux sarkozien était manifestement en berne. François Hollande voulait deux fois plus.
Comme disait René Char, les mots savent de nous des choses que nous ignorons d'eux...
4 Commentaires:
La sémiologie du discours des grands personnages sur leur modeste personne a de beaux jours devant elle !
Bonjour Jean,
Vous ne pensez pas que le "Moi, président de la république..." se veut un rappel de l'ablatif absolu latin, sur le mode du fameux Cicerone consule ?
Une écriture anticipée de l'histoire, en quelque sorte.
Une vanité, comme on dit en peinture.
À dimanche soir, pour l'allocution officielle : Moi, désormais président de la république…
Sortons un moment de l''approche proposée ici pour un rappel nécessaire.
La domination de l'idéologie du travail est telle que peu de commentateurs (aucun ?) avaient relevé cette déclaration d'un N.S que l'on peut à bon droit il me semble qualifier de Vichyssois de Neuilly (toutes choses inégales par ailleurs, comme il se doit) :
"Le travail c'est la liberté"
"le travail c'est la liberté", vu par Prévert et Grimault dans "Le Roi et l'Oiseau" (1980)
http://www.youtube.com/watch?v=BjOoCDKhPMA
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