Ayrault: Un discours sans surprise
[Tribune publiée sur lexpress.fr]
Pas de lyrisme dans le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault (voir le discours sur ma base des discours de politique générale de la Ve République). Le personnage ne nous a pas habitués aux grands élans d'enthousiasme et de grandiloquence, et il a été égal à lui-même: sérieux, sobre, technique. Bien que vieux routier des prises de parole à l'Assemblée (mais de l'autre côté des bancs), il ne se révèle pas non plus excellent orateur : il suit ses notes au plus près, bafouille à diverses reprises, donne du "Chers collègues" aux députés avant de se reprendre. La force de l'habitude sans doute !
Ce discours est donc sans surprise sur la forme. Sur le fond, il ne l'est sans doute pas plus: on est dans la continuité de la campagne de François Hollande, dont il reprend, fidèlement, un à un, les engagements. Bien entendu, la marge de manoeuvre est étroite pour le discours inaugural du Premier ministre dans le nouveau calendrier lié au quinquennat : comment pourrait-il annoncer des mesures contradictoires avec celles du candidat à la présidentielle ?
Mais la constance est ici frappante. Elle est d'ailleurs en droite ligne avec celle de la campagne du candidat Hollande, et de sa propre posture de Premier ministre depuis l'élection. Si elles ne nourrissent guère l'appétit médiatique (on cherchera en vain la "phrase choc"!), sobriété et constance ont peut-être comme vertu (et comme but) de rassurer l'opinion et les marchés en des temps mouvementés.
"Redressement", utilisé 22 fois
Rassurer est d'ailleurs clairement le filigrane du texte. Les mots qui fâchent, austérité et rigueur, n'y figurent que ponctuellement, et pour les récuser. Le mot le plus employé du discours (à part quelques mots obligatoires comme France ou gouvernement) est redressement (prononcé 22 fois). Peut-on faire un redressement sans rigueur demanderont quelques mauvaises langues?
Mais le mot rigueur est devenu inutilisable en politique depuis le fameux tournant de Mauroy: les mots s'usent... Le mot redressement a l'avantage d'être neuf. Il a aussi un avantage indéniable par rapport au mot rigueur. Il reporte le problème sur les prédécesseurs: on redresse quelque chose qui a été tordu, dégradé, abîmé. Comprenons au choix: cinq ans de sarkozysme ou dix ans de droite au pouvoir...
Le deuxième mot le plus important est celui de justice (prononcé 20 fois). L'association répétitive de ces deux mots (qui n'est pas sans rappeler l'ordre juste de Ségolène Royal) contient toute la stratégie Hollande/Ayrault. La rigueur (pardon, le redressement) passera si l'on a l'impression que les efforts sont justement répartis.
Un discours catalogue
Mais là non plus, il n'y a pas de surprise. Cette dualité était bien déjà le leitmotiv de la campagne. La fidélité au programme et aux thèmes présidentiels n'excluait pas forcément un discours qui prenne quelque hauteur propre. La Ve République a connu des discours visionnaires. Ceux de Chaban ou Rocard ont par exemple livré une analyse de la société française qui a fait date.
Il y aurait sans doute eu matière à une analyse en profondeur de la période de crise que nous traversons. Nous nous contenterons d'un discours-catalogue. Mais si l'on y songe, la vision et l'éloquence de Chaban et Rocard n'ont guère servi leur carrière politique ultérieure... Quant à la "nouvelle société", on l'attend toujours: les Français jugeront sans doute plutôt les résultats que les discours!
7 Commentaires:
Et un titre "dans" faute, c'est possible :)
pfff ! m... alors, mon doigt a fourché -- je corrige (un grand merci)
Les héros sont fatigués!
L'artiste : On dirait que tu t'emmêles les pinceaux?
L'artisan : Aucun risque... de pinceau, je n'en ai qu'un... et j'y tiens
L'artiste : Accroche-toi à ton pinceau dans ce cas... j'enlève l'échelle
L'artisan : tu es complètement marteau... pourquoi tu enlèverais l'échelle?
L'artiste : Pour décrocher la lune, t'as pas besoin de te raccrocher à la muraille de Chine
L'artisan : de quoi tu parles ? Tu peux décrypter s'il te plaît ?
L'artiste : tu es un artiste, non ? Pour que tu brilles, je ne crois pas que tu aies besoin de béquilles
L'artisan : tu es drôle, si tu enlèves l'échelle, j'ai toutes les chances de partir en vrille
L'artiste : tu n'as pas besoin d'échelle... accroche-toi à ton pinceau
L'artisan : je ne suis pas artiste peintre... mais tout au plus un peintre en bâtiment. Ce qu'on appelle : un artisan ... un artisan qui peint ... un artisan peintre.
L'artiste : et qu'est-ce que tu peins ?
L'artisan : je peins les choses comme elles sont
L'artiste : tu n'es pas un artiste alors... je ne te dis pas ma déception.
L'artisan : qu'est-ce que tu as contre les artisans ?
L'artiste : ça arrange bien les choses, je le sais... mais ça ne les change pas.
L'artisan : quoi que tu dises, quoi que tu fasses, un mur reste un mur
L'artiste : on peut toujours le détruire
L'artisan : pour quoi faire... pour le reconstruire le jour d'après?
L'artiste : non pour inciter les autres à ne plus en construire
L'artisan : 4 murs et un toit... nous en avons tous besoin
L'artiste : oui... je ne dis pas non... une maison... une prison... une raison
L'artisan : tu m'as l'air un peu dérangé... est-ce que je me trompe ?
L'artiste : je viens de bruler l'école d'où je suis issue
L'artisan : quelle école ?
L'artiste : l'école des arts et métiers
L'artisan : tu es complètement givré... tu vas te retrouver entre quatre murs
L'artiste : je voulais séparer les arts et les sots métiers.
L'artisan : il n'y a pas de sot métier
L'artiste : c'est ce qu'on dit quand on est sot!
L'artisan : selon toi, il n'y a que de sots métiers
L'artiste : ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit
L'artisan : tu as dit quoi?
L'artiste : qu'il n'y a que des sots pour exercer un métier
L'artisan : comment faire sinon pour vivre
L'artiste : on s'accroche au pinceau et on enlève l'échelle!
L'artisan : quelle belle chute
L'artiste : autrement, tu n'apprendras jamais
L'artisan : apprendre quoi?
L'artiste : que tu ne perds rien pour apprendre
L'artisan : je ne comprends même pas ce que tu dis
L'artiste : dans ce cas, il faut apprendre à peindre les choses telles qu'elles doivent être.
L'artisan : et elles doivent être comment ?
L'artiste : comme tu les as rêvées
L'artisan : je n'ai pas le temps de rêver... je ne veux pas crever.
L'artiste : tout est là... tu ne vis pas... tu crèves déjà.
L'artisan : dans ce cas, je ne suis pas seul, nous sommes plusieurs dans ce cas
L'artiste : j'enlève l'échelle ... accroche-toi au pinceau
L'artisan : merde, tu t'appelles comment... Jean-Marc Ayrault ?
http://www.lejournaldepersonne.com/2012/07/les-heros-sont-fatigues/
Excellent.
je chipote, mais comme vous êtes linguiste:
- "ne nous a pas habitué" : un petit s en plus? (accord du PP)
- "il ne s'avère pas excellent orateur": "s’avérer" = se vérifier, il vaudrait mieux "se révèle, se montre".
Merci de votre chipotage ;-)
Sur le 1er point : bien sûr !
Sue le 2e, l'emploi de s'avérer avec attribut du sujet est parfaitement admis et utilisé par les meilleurs auteurs ; voir le TLF. Mais je corrige quand même, beaucoup de gens trouvent cela incorrect...
"l'emploi de s'avérer avec attribut du sujet est parfaitement admis"
Soit, alors restons équanime face à la catachrèse...
C'était ma tentative de contribution au redressement productif.
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