Ségo: Immigration, zéro !
La virgule est importante. Zéro, c'est la note que je lui attribuerais pour la façon dont elle a parlé de l'immigration pendant la campagne.
Mais auparavant, une petite devinette. Qui a dit :
Ségolène Royal ?
Raté. J'ai eu la stupéfaction en me livrant à mes petites analyses sur les discours de campagne, de constater que Ségolène Royal n'a prononcé le mot immigration que 8 fois en tout et pour tout pendant la campagne, sur les quelque 180 000 mots de ses discours (voir les extraits ici). Et encore ! La moitié des occurrences sont une réponse au scandaleux ministère de l'Immigration et de l'identité nationale proposé par Nicolas Sarkozy le 8 mars. S'il n'avait pas fait cette superbe provocation qui lui a permis de se réveiller (un peu), elle en aurait encore moins parlé.
Je ne dis pas qu'il faut en dire ce qu'en a dit celui-ci (qui en a parlé 111 fois), ou celui-là (156 fois). Mais tout de même ! Qu'il n'y ait rien ou presque à en dire, voilà qui m'assied (qui messied ?) !
Pourquoi le sujet est-il aussi tabou ? Car, pour la défense de Ségo, il faut bien reconnaître que plus on va à gauche, plus il est difficile d'en parler (remarquez, parfois il vaut mieux se taire) :
Aucune réflexion, aucun discours sur un sujet aussi dramatique et aussi explosif... Je m'étonne de moins en moins du résultat des urnes.
Mais auparavant, une petite devinette. Qui a dit :
C'est parce que je crois en la France, en ses valeurs universelles, dans les droits de l'homme, que je veux lutter contre une immigration clandestine qui fait la fortune des marchands de sommeil et des passeurs sans scrupule qui n'hésitent pas à mettre en danger la vie des pauvres malheureux dont ils exploitent la détresse.
Ségolène Royal ?
Raté. J'ai eu la stupéfaction en me livrant à mes petites analyses sur les discours de campagne, de constater que Ségolène Royal n'a prononcé le mot immigration que 8 fois en tout et pour tout pendant la campagne, sur les quelque 180 000 mots de ses discours (voir les extraits ici). Et encore ! La moitié des occurrences sont une réponse au scandaleux ministère de l'Immigration et de l'identité nationale proposé par Nicolas Sarkozy le 8 mars. S'il n'avait pas fait cette superbe provocation qui lui a permis de se réveiller (un peu), elle en aurait encore moins parlé.
Je ne dis pas qu'il faut en dire ce qu'en a dit celui-ci (qui en a parlé 111 fois), ou celui-là (156 fois). Mais tout de même ! Qu'il n'y ait rien ou presque à en dire, voilà qui m'assied (qui messied ?) !
Pourquoi le sujet est-il aussi tabou ? Car, pour la défense de Ségo, il faut bien reconnaître que plus on va à gauche, plus il est difficile d'en parler (remarquez, parfois il vaut mieux se taire) :
Aucune réflexion, aucun discours sur un sujet aussi dramatique et aussi explosif... Je m'étonne de moins en moins du résultat des urnes.
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13 Commentaires:
J'avais pu remarquer ces écarts sur le discours mais cette méthode d'analyse met en relief des disparités incroyables. Merci pour cet éclairage.
Pour mieux comprendre pour quelles raisons le sujet est tabou, à gauche, un p'tit rappel de ce qu'elle a dit et de ses propositions :
« Fermer la porte aux immigrés serait nous condamner au déclin », avait déjà jugé Ségolène Royal dans une lettre adressée à la fin de la semaine dernière à l’association France terre d’asile (FTDA). Néanmoins, « nous ne pouvons, pas plus que nos voisins, ouvrir purement et simplement nos frontières sans créer des déséquilibres économiques et sociaux insupportables », ajoutait-t-elle. Quant à « l’immigration choisie » prônée par son rival Nicolas Sarkozy, elle a expliqué dimanche qu’elle « est profondément opportuniste et injuste à l’égard des pays d’origine ». (source)
Comme alternative, la Dakaroise de naissance propose d’« instituer un visa permettant des allers-retours multiples, sur plusieurs années, afin que les migrations s’adaptent aux besoins réels du marché du travail. » La solution a l’avantage d’assurer les migrants qu’ils pourront de nouveau séjourner en France s’ils décident de retourner dans leur pays d’origine. Ce que nombre des 200 à 400 000 sans-papiers (estimations du ministère de l’Intérieur), qui vivoteraient aujourd’hui en France, craignent de faire. (source)
mais peut être, un élément de réponse se trouve dans son programme (dont elle a dit qu'elle n'y croyait pas...) : ce qui concerne l'immigration, ce sont 5 propositions, n°96 97 98 99 et 100 sur ... 100 !!
96. Réviser notre politique d'aide au développement : passer à un véritable codéveloppement en associant directement les bénéficiaires.
97. Relancer la coopération euroméditerranéenne.
98. Instituer un visa permettant des allers-retours multiples [...], afin que les migrations s'adaptent aux besoins réels du marché du travail.
99. Rétablir la règle des dix ans comme critère de régularisation.
100. Régulariser les sans-papiers à partir de critères fondés sur la durée de présence en France, la scolarisation des enfants et la possession ou la promesse d'un contrat de travail. (source)
Et pour ma part, je ne comprends pas la 96. La 97 est dans le programme de Nicolas Sarkozy, qui va d'ailleurs bcp plus loin. La 98 est la porte ouverte à l'immigration clandestine. La 99 est totalement démagogique : tenez 10 ans dans l'illégalité et vous deviendrez légaux !!!. Quant à la dernière, sans les modalités, elle n'est pas critiquable. (M'enfin je sais aussi que c'est Nicolas Sarkozy qui en a régularisé le plus)
Bref, à gauche, le sujet est tabou parce qu'on s'est bien rendu compte que considérer qu'un immigré est d'abord un humain, pose en réalité plus de problème qu'il n'en résout. Et de fait, devant l'impossibilité idéologique de se remettre en question, pas question d'en parler...
Considérer qu'un immigré est d'abord un humain, c'est aussi affreux parce que c'est pour l'immigré : lui donner ipso facto des droits (et pas de devoir ?), c'est nier son état d'immigré donc c'est nier sa culture différente par exemple.
Enfin, vis à vis de la société, considérer un immigré comme un humain, c'est nier les problèmes d'intégration, d'inégalité d'accès à l'éducation, au marché du travail etc, c'est donc se foutre d'elle, car c'est elle qui vit les problèmes que cela engendre au quotidien.
Le problème est donc global : un immigré est un humain, mais aussi un immigré, ce que la gauche se refuse de considérer. Politique de l'autruche, politique irresponsable.
Et bien, oui, Ségolène Royal n'est pas obsédée par "le problème de l'immigration (et de la délinquance?)".
Voilà au moins une attitude que je ne saurais lui reprocher.
Parler de tabou à propos du "problème de l'immigration (et de la délinquance?)" me paraît un peu rapide.
Et si c'était surtout une arme nauséabonde?
Merci de ne pas vous laisser aller aux fausses évidences que le discours droitier nous assène tous les jours (autre exemple : "le régime de retraite par répartition est condamné par la démographie").
Merci quand même pour vos analyses.
Cordialement.
Merci pour cette analyse, Mr Véronis. C'est très révélateur.
Sans doute vaut-il mieux n'être pas obsédé par l'immigration, que de vouloir remplir les quotas d'expulsés.
Mais, on pourrait attendre de la gauche qu'elle trouve autre chose à dire que la sempiternelle excuse "on ne peut pas ouvrir nos frontières à toutes les misères du monde", non ?
Beau dire beau faire, la gauche ou la droite ne peuvent transformer la France en bunker. Quoique... Un bon mur de l'Atlantique, une muraille de la Méditerranée, quelques milliers de kms de barbelés aux frontières terrestres, le tout bien électrifié, ça pourrait se concevoir, on voit ça ailleurs...
tiens, Jean Véronis, très contente de lire votre "scandaleux ministère de l'Immigration et de l'identité nationale"
Sinon, votre critique de Ségolène Royal et ce sujet de l'immigration me rappellent le moment, juste après l'élection de Sarko,où vous m'affirmiez que celui-ci n'était sûrement pas un fasciste (on parlait de "Arbeit macht frei")
C'était rassurant, mais par curiosité, j'ai fait ma petite liste non exhaustive des activités sarkosiennes depuis l'été et de leurs conséquences : paquet fiscal, traque des sans-papiers, enfant tchétchène,femme chinoise qui se jette par la fenêtre, tentative de s'immoler par le feu pour un sans-papier égyptien, franchise médicale, test ADN, Total en Birmanie, Khadafi, soutien à Poutine, suppression d'un fonctionnaire sur deux, défiscalisation heures sup, service minimum,discours de Dakar... (sûrement peut-on mettre etc.)
très honnêtement, Le Pen aurait-il fait plus vite et mieux? je ne crois sincèrement pas
Isabelle> Oui, scandaleux, comme la traque des sans-papiers avec des nourrissons, qu'on vu récemment, etc. Je crois quand même qu'il faut garder aux mots leur vrai valeur. Fasciste n'est pas le mot à mon avis. Ce qui n'excuse rien.
C'est tellement facile, que je suis allé joué avec votre outil : le graph pour le terme "démocratie" est assez intéressant.
Mais surtout le nuage de point des voisins : le plus voisin n'est pas "participative" (3è) mais "irréprochable" uniquement grâce/à cause de N. Sarkozy.
Une démocratie irréprochable ? Je pense que je ne dois pas avoir la même définition de démocratie que notre Président, car je ne comprends pas le sens de cette expression. On dirait que cela personnifie la démocratie (personnifie = présidentialise ?)
Le problème est toujours le même: soit parler de l'immigration, et faire le jeu de la droite "dure" qui pose l'immigration comme le principal problème à régler en France. Soit refuser d'en parler... et faire le jeu de la droite "dure" qui peut donc occuper tout le terrain. Problème insoluble... que quelqu'un qui a l'oeil rivé sur les sondages d'opinion n'était sans doute pas à même de régler.
Pour sa défense: elle a défendu l'immigration comme une richesse (ce qui est loin d'être évident aujourd'hui au PS), sans oublier cette perle lors de sa prestation au jeu des mille questions sur TF1: si mes souvenirs sont bons, elle a, en réponse à une question sur l'immigration, rappelé le pillage par la France de ses anciennes colonies. C'était un peu naïf, mais fort rassurant.
le résultat de votre étude ne vous étonne pas, j'espère.
Oui c'est encombrant, pour Royal; et du pain béni pour les baignoires-et-moutons. L'effet de droitisation du discours de Sarkozy est dans votre histogramme.
C'est bien de le visualisé, il est à méditer pour la gauche surtout.
Sinon, qui a droite décompléxée hésiterait à parler de l'émmigration, biensur pas en des termes qui fassent élever le débat.
Il s'agirait plus de faire dans l'IQF (invitation à quitter le territoire) comme on dit à la préf.
Merci pour toutes ses études.
C'est vrai, elle aurait au moins pu en parler pour dénoncer le fait que "le problème de l'immigration" est surtout une construction politique qui s'inscrit dans ce renouveau du nationalisme fleurant bon l'extrême droite (pas très nouveau il faut le dire). Et si des évènements dramatiques se produisent, ils sont surtout l'occasion de se parer de bonnes intentions et de belles émotions pour affirmer au fond que les étrangers sont mieux chez eux, tant pis s'ils y meurent dans des conditions moins sous les projecteurs.
Mais je suis surtout consterné par le commentaire de vicnent, qui considère grosso modo que immigré et humain sont deux statuts du même niveau quand l'un n'est qu'un statut résultant d'un déplacement dans l'espace alors que l'autre n'est en fait pas un statut, mais un état permanent, eh oui on naît humain avant tout.
Merci pour les analyses et pour les outils, les chiffres ici sont davantage contextualisés et revêtent ainsi une plus grande valeur et une plus grande utilité.
Ben non, Flo, le discours sur le discours, c'est bon pour les commentateurs. Elle n'a fait que ça avec le rabâchage sur les machins participatifs. Il ne fallait pas en plus produire du discours sur le discours sur l'immigration ni déconstruire quoi que ce soit. A six mois de l'élection cétait trop tard.
La ligne sur l'immigration était plutot pas mal. Vincent, c'est le projet socialiste qu'elle n'aime pas. Pas ce que vous avez cité qui était censé servir de programme et qui a permi de tout casser dans la dernière ligne droite.
Sans doute pour gagner du temps et perdre un peu plus vite.
Au fait, Jean, c'est pas honnète, votre truc. Pourquoi "Zéro" alors que c'est "huit" ?
Dans un billet récent sur son blog, Maître Eolas rebaptise le Ministère de l'immigration et de l'identité nationale en "Ministère du drapeau et des métèques"... Beau raccourci!
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