Bayrou: Naturellement !
J’ai passé une bonne partie de l’été à analyser le corpus des discours de campagne que j’ai engrangé ici. Ça n’intéresse probablement plus personne, à part quelques illuminés comme moi, ou peut-être quelques-uns des lecteurs de ce blog... On est dans le temps du fast food politique, et l’intérêt des médias et du public dure rarement plus de 24 heures. Comme dans les feuilletons télé, il faut qu’il y ait toutes les deux minutes une blague, des larmes, du sexe, en tout cas quelque chose qui déclenche la boîte à rire (ou peut-être à pleurer dans le cas de la vie politique actuelle) et qui empêche le spectateur de zapper. Mais moi, je ne suis payé par personne, et on ne risque pas de me virer si mon audimat dégringole. Alors, je vous livrerai encore pendant quelque temps des analyses sur le passé déjà lointain, mais fascinant, de cette campagne présidentielle hors norme. Si vous êtes vraiment saturé, vous avez le droit d’aller chercher une bière dans le frigo en attendant d’autres épisodes ;-)
En cherchant bien, on tombe parfois sur des pépites. En voici une. Je vous ai déjà parlé de ce tic de langage de Jacques Chirac, qui avait été dépisté par mon collègue niçois Damon Mayaffre. L’ancien président avait la manie assez tordante de glisser l’adverbe naturellement un peu partout dans ses discours, surtout lorsqu’il sortait une énormité, qui était tout sauf naturelle (voir ici et ici). Variantes : évidemment, bien entendu.
Eh bien, figurez-vous, que quelqu’un a pris subrepticement la relève. En étudiant l’usage des adverbes chez les (ex-)candidats, je me suis aperçu que François Bayrou, contre toute attente, a exactement le même tic.
Voici les fréquences comparées de naturellement chez les quatre principaux candidats :
et celle de évidemment :
Exemples dans le corpus : naturellement, évidemment.
Étonnant, non ? J’avais repéré pendant la campagne une certaine empathie de François Bayrou pour Jacques Chirac, qu’il ménageait de façon assez inattendue. Mais de là à lui piquer sa façon de parler... Espérons que l’usage qu’il en fait soit moins hypocrite que celui de l'ancien président !
En cherchant bien, on tombe parfois sur des pépites. En voici une. Je vous ai déjà parlé de ce tic de langage de Jacques Chirac, qui avait été dépisté par mon collègue niçois Damon Mayaffre. L’ancien président avait la manie assez tordante de glisser l’adverbe naturellement un peu partout dans ses discours, surtout lorsqu’il sortait une énormité, qui était tout sauf naturelle (voir ici et ici). Variantes : évidemment, bien entendu.
Eh bien, figurez-vous, que quelqu’un a pris subrepticement la relève. En étudiant l’usage des adverbes chez les (ex-)candidats, je me suis aperçu que François Bayrou, contre toute attente, a exactement le même tic.
Voici les fréquences comparées de naturellement chez les quatre principaux candidats :
et celle de évidemment :
Exemples dans le corpus : naturellement, évidemment.
Étonnant, non ? J’avais repéré pendant la campagne une certaine empathie de François Bayrou pour Jacques Chirac, qu’il ménageait de façon assez inattendue. Mais de là à lui piquer sa façon de parler... Espérons que l’usage qu’il en fait soit moins hypocrite que celui de l'ancien président !
18 Commentaires:
Je ne vois pas ce que ça a d'étonnant venant de la part de quelqu'un qui a consacré des mois à enfoncer des portes ouvertes. Les défenseurs de l'ordre établi n'ont pas besoins d'aller au delà des apparences. Chez Sarkozy, ça se manifeste par l'usage immodéré des questions fermées.
Je ne suis pas du tout une illuminée, et je continue à me passionner pour vos analyses.
A moins que... je sois une illuminée qui s'ignorait, naturellement !
:-)
bonjour,
j'en profite pour dire que votre aisance technique autant que vos pistes d'investigations méritent d'être saluées : je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup d'universitaires qui travaillent comme vous en France...avec le risque de s'exposer au yeux de tous, en plus (car sur Internet il y a de trés nombreux talents).
Donc bravo, c'est encourageant pour de plus jeunes qui auraient aussi des compétences socio-techniques.
Ça colle avec la rhétorique de Bayrou, logée sous l'empreinte du bon sens. Un bon sens dont il se réclame souvent comme étant de provenance paysanne.
J'avais remarqué les "naturellement" mais pas les "évidemment" !
A l'examen rapide de votre corpus, il utilise ces termes surtout pour introduire ... des évidences (et non des énormités).
Je rapprocherai cela de son usage très fréquent de locutions du type "et c'est là une grande question que nous allons devoir traiter ensemble".
Il construit très fréquemment ces discours sur ce face-à-face "ça / nous" : la situation est ainsi, et nous citoyens et décideurs ensemble devons avancer. Ce qui n'est possible que si nous "voyons" ('voir', autre mot fréquent) ensemble ce qui est "évident".
Tandis que d'autres personnalités construisent leur discours sur "ça / vous / moi" : cette situation, vous ne la supportez pas (ou "La France" ne la supporte pas), je ne l'accepte pas, je vais agir. Discours du "vendeur de solutions clés en main".
François Bayrou associe très rarement le "je" à un verbe d'action - un peu plus, mais peu, au passé (du genre "quand *j'*étais Ministre de l'Education Nationale, *nous* avons mis en place, pour les adolescents en grande difficulté, le 'collège hors les murs' " - citation imaginaire).
Là, c'est ma perception et ma mémoire ... à confirmer ou réfuter via l'analyse des corpus !
Les adverbes sont souvent des mots chevilles qui n'ajoutent rien au discours... Il serait intéressant de généraliser votre analyse à l'ensemble des adverbes, en tous cas ceux en "-ment".
Je confirme que vos analyses retrospectives restent passionnantes!
Les adverbes sont souvent des mots chevilles qui n'ajoutent rien au discours... Il serait intéressant de généraliser votre analyse à l'ensemble des adverbes, en tous cas ceux en "-ment".
Je confirme que vos analyses retrospectives restent passionnantes!
Ils en ont tous, des tics de ce genre : moi aussi j'aime bien m'amuser à les relever.
On peut ajouter le fameux "n'est-ce pas ?" de le Pen, ou encore le "en effet" de Douste.
Moi illuminé ? Bon, ben je le prends comme un compliment alors !!! :-)
Personnellement, je trouve l'exercice plutôt salutaire et indispensable .... l'air de rien, les mots et leur répétition nous "manipulent" consciemment et inconsciememnt (la conscience et l'inconscience étant sans doute largement partégées chez le politique et chez l'électeur)
Merci donc
Un de plus qui vous suit dans vos analyses.
Un peu hors sujet: j'ai regarde un JT de 20h de 1984 sur le site de l'INA. On y trouve une analyse de discours politiques. Je pense que ca peut vous interesser de remonter 23 ans en arriere dans cette discipline.
le JT en question.
Il dure 30 min, mais je pense que ca vaut le coup, avec aussi la meteo a la fin.
Régis Debray faisait observer cette nuit dans une émission de Guillaume Durand que tout doit se dire aujourd'hui en quelques minutes, en quelques phrases, ce qui constituait une révolution langagière...
Très pertinentes observations.
Mais, M. Véronis, soit dit en toute cordialité et malgré le respect qu'inspire votre science, pourquoi vous en prendre à François Bayrou. Dire du mal des morts, c'est pas joli joli, surtout quand ils ne sont pas encore tout à fait froids.
Comparer Bayrou à Chirac : est-ce finalement une insulte ou un compliment? la question reste posée.
Bonjour
je n'avais pas encore découvert votre blog, il n'est jamais top tard pour bien faire. Vous êtes au verbe ce qu'Alain Korkos et"La boîte à Images" sont au visuel. Comptez-moi parmi vos lecteurs.
Bonjour,
J'ai quant à moi remarqué que Naturellement, Remarquable, Clairement (plus récent) sont des mots dont l'usage semble associé à certaines (osons le mot !) classes sociales. Je ne sais s'il existe des études sur le sujet. Dans mon blog je m'amuse parfois à utiliser ce langage, mais instinctivement (je suis de basse extraction !) j'emploie plutôt Evidement que Naturellement (ce qui, me semble-t-il, classe son homme !).
En tous cas, votre blog est Remarquable ;-)) !
Bonjour,
Avez-vous analysé la lettre aux éducateurs de N. Sarkozy ?
J'avais remarqué le naturellement de Bayrou.
ça me fait aussi beaucoup penser à Chirac... à une période dans mon enfance( je devais avoir 8/9 ans, c'était peu-être en 1995), avec mes frères, on faisait des jeux autour des "naturellement" quand il passait à la télé pour un disours officiel : c'était à celui qui en comptait le plus, le plus vite possible, ou on déformait son discours en les remplaçant par des mots inventés
Enregistrer un commentaire