Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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vendredi, mai 18, 2007

Lexique: Minus mais pas minables

Vous vous souvenez sans doute de ce lapsus incroyable de Jean-Louis Borloo, au plus fort de la crise du CPE, alors que Dominique de Villepin est malmené, lâché de toutes parts : « Le premier minus » l’appelle-t-il en pleine séance de questions au gouvernement le 11 avril 2006, répondant au président du groupe communiste, Alain Bocquet. Hilarité générale.

Les scribes de l’Assemblée ont été charitables, et ont pudiquement corrigé le compte-rendu de la séance (texte intégral ici) :
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement — Monsieur Bocquet, lors du processus de discussion et de consultation qui a duré trois jours la semaine dernière, nous avons rencontré l’ensemble des partenaires sociaux ainsi que les organisations étudiantes et lycéennes. Parmi eux, personne n’a contesté le fait que le Premier ministre avait eu raison (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) de vouloir s’attaquer au problème du chômage des jeunes. Il y avait peut-être débat sur la méthode, mais pas sur l’objectif.
La seule trace qui reste de l’incident est cette étonnante didascalie : « Exclamations et rires sur les bancs… ». Pour les historiens des temps futurs, la compréhension de cette bonne humeur risque d’être assez difficile, surtout que les médias avaient été plutôt silencieux sur l’affaire (je n’ai vu passer qu’un petit entrefilet dans Le Monde, dans l’édition du 13 avril). Lorsque, quelques jours plus tôt, Dominique de Villepin avait fait lui-même un énorme lapsus, parlant de la démission du Conseil constitutionnel, au lieu de la décision (son inconscient devait quelque peu le tirailler !), les scribes avaient consigné l’intégralité du cafouillage (compte-rendu ici).

Le plus étonnant est que le lapsus de Borloo avait déjà été fait par Jean-Pierre Pernaut, il y a quelques années. « Le minus... le ministre de la fonction publique a annoncé… » lançait-il en plein JT (vidéo ici). Cette séquence a fait le tour des bêtisiers… A-t-elle inconsciemment influencé Borloo ? Était-ce même chez ce dernier un vrai lapsus ? Car on se souvient qu’à l’époque du CPE, Borloo était en grave désaccord avec son Premier ministre. Je ne serais qu’à moitié étonné qu’il l’ait fait un peu exprès…

Quoi qu’il en soit, ce lapsus est savoureux parce qu’il nous ramène au sens premier du mot ministre. Minus, petit, de minuere, rendre petit, amoindrir. Le minister, c’était celui qui était minus, donc le serviteur, en opposition à celui qui était grand, le magister, qui est devenu le maître (et aussi le magistrat).



Je trouve que ce clin d’œil psychanalitico-étymologique est tout à fait de circonstance. Il semblerait que sous la présidence Sarkozy, les ministres soient devenus plus petits que jamais. Le patron c’est lui. L’article 20 de la Constitution semble d'ailleurs avoir été réinterprété : « Le Président détermine et conduit la politique de la Nation », faut-il désormais comprendre. C’était évidemment déjà largement le cas, hors période de cohabitation, à commencer par de Gaulle, mais là, ça se précise.

Est-ce un bien ou un mal ? Sortir de l’ambiguïté et de la curieuse dyarchie de la Vè République est peut-être souhaitable, mais si l'on ne change pas la Constitution, nombreux sont ceux qui y voient quelques dangers. C’est le gouvernement qui est responsable devant le Parlement, qui peut éventuellement voter la censure. Evidemment, c’était déjà très théorique, et insuffisant, mais le déséquilibre s’accentue. Devant qui le Président est-il responsable ? Devant personne, jusqu’en 2012. Un régime présidentiel démocratique ne se conçoit normalement qu’avec un Parlement réellement indépendant et aux pouvoirs renforcés.

A suivre. En attendant, il ne faut pas conclure de tout ça que l’équipe qui a été nommée soit une équipe de minables. Ce sont des gens brillants, même si certaines, à des postes délicats, comme Rachida Dati à la justice ou Valérie Pécresse à l'enseignement supérieur, sont un peu inexpérimentées. Encore que minable, contrairement à minus, cela ne veuille pas dire petit, mais susceptible d’être miné, explosé par une mine. Espérons qu’elles ne se fassent pas dynamiter au bout de quelques jours comme les infortunées juppettes...

11 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

la parité annoncée n'est pas au RDV
15 ministres + 1 premier ministre = 16
la moitié = 8, or ce gouvenrement compte 9 hommes et 7 femmes ...

18 mai, 2007 16:46  
Anonymous Anonyme a écrit...

Autre interprétation sur la parité:
15 ministres, moitié d'hommes, moitié de femmes...
et un/une quinzième au statut incertain: hermaphrodite ou troisième sexe...
mais de qui s'agit-il?
;-)

18 mai, 2007 20:47  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Pas tout à fait la parité, mais pas loin (chez les ministres, du moins, car les secrétaires d'Etat sont tous masculins pour l'instant, mais il paraît que la liste n'est pas close).

On verra si cette composition perdure au-delà des législatives, ou si c'est un gouvernement de transition. Il y a des déçus à droite, et des appétits. On se souvient des jupettes...

19 mai, 2007 09:06  
Anonymous Anonyme a écrit...

Interrogation marginale (mais visiblement la parité nous travaille): le 29 mars 2006 les scribes écrivent "députés communistes et républicains", le 1" avril "député-e-s communistes et républicains" (et uniquement pour ce groupe). Je ne fais que noter même si je trouve un peu ri-golo-dicule cette graphie motivé-e. À quand une vraie réforme de l'orthographe?

19 mai, 2007 11:17  
Anonymous Anonyme a écrit...

groupe des député-e-s


Si même les scribes de l'assemblée nationale s'y mettent....

19 mai, 2007 17:13  
Anonymous Anonyme a écrit...

En effet, pas malin le compte-rendu… Ça aurait été mieux : « […] le fait que le Premier mini… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) …stre avait eu raison de […] ». Histoire qu'on comprenne un peu.

19 mai, 2007 23:18  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je pense que c'est plutôt une parfaite application de l'Article 8 :

"Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.

Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions."

Ce qui pourrait être "ré-interprété", ce srait plutôt de nombreuses dispositions du titre V, savoir "des rapports entre le gouvernement et le parlement"...

A noter que ce fut souvent le cas, me viennent deux exemples en date, la participation de la France aux bombardements de la Serbie en 99, alors que le parlement est censé déclarer la guerre (nous n'étions donc pas en guerre...), ou plus récemment, la proposition de traité européen ne donnant l'initiative des lois qu'au seuls représentants des gouvernements, alors que dans la constitution de 58, l'initiative appartient au premier ministre et aux parlementaires (nos représentants, je le rappelle...)

21 mai, 2007 16:23  
Anonymous Anonyme a écrit...

"un regime presidentiel" c'est par ces termes que tu designes la V eme republique et nous somme d'accord.
Un parlement independant aux pouvoirs renforcés nous ramene a la 3 eme et la 4 eme republique c'est a dire a un regime parlementaire.
Que faire alors puisque effectivement la V eme republique est en baisse de regime ?
Suivre tes conseils et revenir a une 4 eme republique bis ?
Il faut savoir prendre des lecons des erreurs du passé pour ne pas quel se renouvelle

22 mai, 2007 17:37  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je me suis régalé à lire cette petite chronique.

Et en tant que journaliste, je suspecte mes collègues de la presse nationale et les politiciens de parler entre eux de "minus" pour les ministres qu'ils n'aiment pas. A l'Assemblée nationale, on pourrait aussi dire les "amputés" pour les députés...

23 mai, 2007 17:11  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Dicotommy> Amputé/député, c'est la même racine, n'est pas ? Et dans les deux cas, on finit dans un fauteuil...

23 mai, 2007 17:55  
Anonymous Anonyme a écrit...

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30 mai, 2007 18:56  

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