Débat: Sur un nuage...
Le nom le plus utilisé hier par Ségolène Royal a été entreprise(s) (41 fois) :
C'est d'ordinaire le mot clé de François Bayrou, qu'elle rejoint d'ailleurs sur certaines idées (dont la concentration des aides sur les PME). Cela illustre bien le grand écart linguistique que devait faire Ségolène Royal pendant le débat. Elle ne peut espèrer l'emporter qu'avec un apport massif des voix du centre gauche. Il fallait donc qu'elle parle à ces électeurs, qui sont très sceptiques sur l'approche socialiste de l'économie. Est-ce que ce sera suffisant ? Car en même temps, il ne fallait pas trop effrayer l'extrême gauche, et même lui faire de petits clins d'oeils (par exemple en dénonçant les cadeaux aux entreprises).
Je m'attendais à un grand écart du même ordre chez Nicolas Sarkozy, qui devait à la fois s'assurer du vote des électeurs de Jean-Marie Le Pen qui a appelé à une «absention massive», et ne pas trop effrayer le centre-droit avec des mots qui fâchent (sur l'identité et l'immigration, les prédispositions génétiques, etc.) Depuis quelques jours son discours sur l'autorité, la critique de Mai 68 me semblait d'ailleurs être un thème qui entrait astucieusement dans cette rhétorique. Mais j'ai été surpris de voir qu'il ne cherchait pas particulièrement à «draguer» très à droite. Ce thème de l'autorité n'a pas été spécialement central. Son discours a été plutôt généraliste, comme le montre le nuage des noms qu'il a utilisés (au passage, notons le mot "Madame", prononcé 55 fois !) :
Quelles conclusions en tirer ? Mon hypothèse est que Nicolas Sarkozy a déjà compris, à travers les informations dont il dispose, que les électeurs du FN ne suivront pas leur chef, et que pour une fois, ils trouvent la copie aussi bonne que l'original...
Le débat a été lemmatisé (c'est-à-dire que j'ai ramené chaque mot à sa forme de base), et je n'ai retenu que les noms.
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C'est d'ordinaire le mot clé de François Bayrou, qu'elle rejoint d'ailleurs sur certaines idées (dont la concentration des aides sur les PME). Cela illustre bien le grand écart linguistique que devait faire Ségolène Royal pendant le débat. Elle ne peut espèrer l'emporter qu'avec un apport massif des voix du centre gauche. Il fallait donc qu'elle parle à ces électeurs, qui sont très sceptiques sur l'approche socialiste de l'économie. Est-ce que ce sera suffisant ? Car en même temps, il ne fallait pas trop effrayer l'extrême gauche, et même lui faire de petits clins d'oeils (par exemple en dénonçant les cadeaux aux entreprises).
Je m'attendais à un grand écart du même ordre chez Nicolas Sarkozy, qui devait à la fois s'assurer du vote des électeurs de Jean-Marie Le Pen qui a appelé à une «absention massive», et ne pas trop effrayer le centre-droit avec des mots qui fâchent (sur l'identité et l'immigration, les prédispositions génétiques, etc.) Depuis quelques jours son discours sur l'autorité, la critique de Mai 68 me semblait d'ailleurs être un thème qui entrait astucieusement dans cette rhétorique. Mais j'ai été surpris de voir qu'il ne cherchait pas particulièrement à «draguer» très à droite. Ce thème de l'autorité n'a pas été spécialement central. Son discours a été plutôt généraliste, comme le montre le nuage des noms qu'il a utilisés (au passage, notons le mot "Madame", prononcé 55 fois !) :
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Nicolas Sarkozy
Quelles conclusions en tirer ? Mon hypothèse est que Nicolas Sarkozy a déjà compris, à travers les informations dont il dispose, que les électeurs du FN ne suivront pas leur chef, et que pour une fois, ils trouvent la copie aussi bonne que l'original...
Pour les techniciens
Le débat a été lemmatisé (c'est-à-dire que j'ai ramené chaque mot à sa forme de base), et je n'ai retenu que les noms.
20 Commentaires:
Bonjour,
Je viens de decouvrir votre site qui est tres interessant. Il faudrait peut-etre aller plus loin dans vos analyses, mais le temps nous manque a tous.
Merci en tous cas pour ces petits details que l'on aurait pas vus sans vous.
Oui, le temps manque ! Chacun amène sa petite pierre comme il peut...
Merci pour les compliemnts !
Jean ministre ? Je serais presque tenté de dire oui, mais de fait, qui s'occupera de son blog ? ;-)
Mais au fait, comment t'es tu (déjà!) procuré le texte exact et complet du débat ? Peux tu le FTPisé ?
Voici un lien avec le texte complet:
http://www.lesoir.be/documents/InExtenso/070503_integral_debat.pdf
Au passage un grand bravo pour ce blog que je suis avec intention depuis juillet 2005, et qui à chaque nouveau billet m'apprend beaucoup de chose, notemment sur la campagne présidentielle français, que j'ai suivie avec attention même si je ne suis pas Français.
Ha, monsieur Veronis, je crois que vous avez truqué vos résultats ou omis de nous dire que vous n'aviez pas retenu *TOUS* les noms. Car il en manque au moins un dans le nuage de M. Sarkozy : "madame".
Je ne me suis pas moi-même fendu d'une analyse à ce sujet mais je parie sur plus de 40 occurences de "madame" dans son discours d'hier ;-)
Merci pour la version texte du discours!
Vicnent> Pour le texte, j'ai quelques "contacts" ;-) Mais il est maintenant en ligne sur le site du soir cité plus haut (en pdf) ou html sur Libé et le Monde...
Vicnent> Ah oui, j'oubliais. Le blog sera immédiatement rattaché au Commissariat des Archives. Il y a déjà un candidat pour s'en occuper, un certain Winston Smith. Mais je peux examiner d'autres candidatures...
De toutes façons, c'est promis je ferme ce blog en 2084.
Analyse très intéressante du débat, vous avez assez bien résumé ce qui s'est passé hier soir.
En revanche, vous dites qu'ils se sont très bien débrouillés, chacun à leur manière.
Je conteste cette approche : ils ont peut-être bien fait leur travail de stratège, mais pas d'homme/femme politique ! En effet beaucoup de leurs affirmations étaient mensongères (je ne citerai que l'exemple du nucléaire, mais il y en a bien d'autres).
Je voulais aussi attirer votre attention sur deux autres choses qui vont dans le sens de ce que vous avez interprété (une Royal offensive et un Sarkozy sur ses gardes) : avez-vous remarqué qu'à de nombreuses reprises, il a déclaré trouver des terrains d'entente avec elle ?
De l'autre côté, S.Royal n'a pas souhaité une seule fois admettre qu'elle allait dans son sens, prenant parfois le risque de dire exactement les mêmes choses, mais d'une façon différente.
Un débat qui, selon moi, a beaucoup servi aux candidats, mais très peu aux français...
Wawa> Dans l'extraction de mots-clés, on utilise ce qu'on appelle une "stoplist" ou "antidictionnaire", qui permet d'éliminer les mots outils ("le", "la, "les", etc.), un certain nombre d'abréviations ("M.", "Mme", "etc."). Il y a quelques noms, qui généralement ne sont pas intéressants dans l'extraction de thématiques (comme Madame). Mais il est vrai que dans une situation de débat comme celui-ci, il n'y a pas que la thématique qui est intéressante, mais aussi le mode d'interactioon !
J'ai refait les nuages avec ce correctif. Un grand merci.
Benoît> Mensongères, je ne sais pas. En tout cas, ils se sont l'un et l'autre plantés à diverses reprises sur les chiffres. Royal a cité 17% comme part de l'électricité, au lieu de la part de l'énergie. J'y vois surtout un lapsus. Sarkozy a dit 50%, et s'est trompé de génération pour l'EPR... Pourquoi mensonge ? S'il avait eu la réponse exacte je crois qu'il l'aurait donné, car il savait bien que tous les journalistes (et blogueurs) de France vérifieraient aussitôt ! Les mensonges sont généralement plus subtils en politique...
Mais je partage votre avis sur la volonté consensuelle de Sarkozy. Ca ferait partie de sa stratégie : regardez comme je suis gentil, et comme elle est méchante.
D'une certaine façon, l'attitude de Royal était contreproductive, car semble (si j'en crois les commentaires et les premiers sondages) avoir renforcé l'électorat indécis à doite (et même très à droite, suivez mon regard)...
Ce qui conforte ma thèse, qu'elle sait qu'elle a perdu, et qu'elle veut partir sur une image combattante héroïque qui a tenu tête au Mal absolu.
Sarko savait pas ça se sentait tout de suite
on pouvait voir une petite lueur de panique et il a eu un reflexe immédiat de ramener ses mains vers lui en protection.
Le véritable % de la production c'est autour de 80% je crois ( 78% sur wikipedia en 2005) mais c'est vrai que la france est un gros pays exportateur ce qui explique le 17%.
On dirait que lui veut lui laisser sa chance pour la suite pour pouvoir la rebattre en 2012, comme il avait tout fait pour qu'elle emerge au 1er tour contre lui pendant la campagne de choix du candidat au PS :)
Ce qui est intéressant dans le compte-rendu du débat est que les erreurs de Nicolas Sarkozy, ont été vérifiées sur le nucléaire mais que leur accumulation a été relativisée par rapport à l'erreur de Royal.
Même remarque sur la "saine colère", qui a été déclenchée par la notion de "droit opposable", qui est, de fait, un comble de cynisme politique (proposer un "droit" à déposer un recours en cas de non-application de la loi...). Seuls les égarements de Royal sur le handicap ont été relevés, personne ne s'est interrogé sur ce fameux "droit opposable" qui est à l'origine de la colère (feinte ou réelle).
Autre exemple, Sarkozy fait un "erreur" sur la réforme Fillon qui assurerait le paiement des retraites jusque'en 2020, ce qui a n'a pas été relevé. En fait, les retraites sont financées jusqu'en 2020 selon les "projections" du gouvernement, et sont fonction d'une estimation de taux de chômage évalué à 5-6%. Les chiffres assenés par sarkozy sont en fait de pures estimations (critiquées par ailleurs) fondées notamment sur une baisse du chômage très aléatoire, et ne reposent en aucun cas sur la réalité.
Plutôt que se demander si les candidats ont menti ou non, il faudrait en fait s'interroger selon quelle grille de lecture s'évalue la "compétence" et la "sincérité", et comment se construit une convergence collective, dans le récit des compte-rendus, sur cette évaluation. Je ne suis par exemple par sûre du tout que Nicolas Sarkozy "savait" que les journalistes ne manqueraient pas de vérifier ses affirmations... il me semble au contraire que les erreurs ou contradictions régulières de NS sur nombre de dossiers sont très rarement relevées, précisément parce que tout le monde "sait" qu'il est compétent (y compris, visiblement, Royal et son staff, pusiqu'ils n'ont pas une seule fois, au cours de cette campagne, pensé à chercher l'erreur chez Sarkozy!). Et je pense que NS en a parfaitement conscience.
Christine> Je suis d'accord sur votre point de vue. La "grille de lecture" n'a pas été la même tout au long de la campagne pour les deux candidats. L'exemple le plus frlagrant a été la "bravitude" qui a fait rire le monde entier, alors que l'"héritation" de Nicolas Sarkozy (bourde à peu près identique sur le plan linguistique) n'a fait l'objet que d'un entrefilet dans Libération.
A quoi cela tient-il ? J'avancerais assez volontiers deux pistes :
1) C'est une femme, et quoi qu'on en dise le milieu politique et journalistique est encore assez machiste (voir mon billet sur la "cressonisation").
2) L'UMP a mis en place une "cellule de guerre" dont le but était d'assommer Royal (et d'arroser les salles de rédaction) à la moindre gaffe. Les éléphants et seconds couteaux du PS étaient largement aux abonnés absents pendant cette campagne (avez-vous beaucoup entendu Guigou, Fabius et les autres attaquer Sarkozy comme Précrésse, Hotefeux et les autres le faisaient pour Royal ?)
3) Il y a une part inhérent au style de Royal: son intention monocorde, sa quasi absence de gestuelle, etc. qui ne cadre pas avec nos schémas mentaux archétypiques du tribun, de l'orateur (on peut le déplorer, mais c'est pour l'instant comme ça). L'exemple le plus frappant était le début du débat. Quand je l'ai vu lire les chiffres dans ses fiches, je me suis dit que c'étiat très mal parti... Ce sont de petits signaux de ce type qui lui ont fait beaucoup de mal.
Ce qui est "amusant" (plutôt triste, en fait), est que le staff socialiste, Royal comprise, a inconsciemment partagé cette vision sexiste: position de défense face aux procès en incompétence de l'UMP, mais jamais une remise en question de la compétence du candidat UMP. Les attaques de l'UMP ont conforté le doute sur les compétences de Royal, un doute partagé finalement par Royal elle-même (l'utilisation des fiches est effectivement étonnante, et révélatrices de son propre manque de confiance en elle).
Pour en revenir à la perception du débat, serait-il possible d'analyser l'évolution des qualificatifs attribués aux deux candidats dans les compte-rendus successifs du débat?
Et (je ne peux pas m'empêcher), avez-vous fait l'analyse du taux de citation Royal/Sarkozy dans la presse cette semaine?
Tout à fait d'accord, Christine. Nous avons recensé dans Combat pour L'Elysée les attaques matchistes au sein du PS : gratiné. Et silence radio sur Sarko. De là à penser que certains, cyniquement attendent qu'elle perde pour prendre sa place en 2012...
En tout cas, le PS aura été assez minable pendant cette élection. Pas de combativité, pas de chef de l'opposition, soutien à Royal à peine du bout des lèvres des caciques et second couteaux, programme langue de bois avant même que la candidate soit désignée... vref, ce parti n'a tiré ni les leçons de 2002, ni celles de 2005. Tirera--t-il celles de 2007 ? J'en doute. C'est probablement la fin d'un cycle commencé en 1971.
Ah oui, sur le taux de citations, je l'ai calculé le 30 (j'ai fait un billet). Il était de 48/52 en faveur de Sarko. Je le referai ce soir...
Vu du Québec, une analyse des mots (23885 au total).
Romain,
Merci de cette analyse. J'avais effectivement été frappée, en relisant la transcription du débat, de l'agressivité verbale de Sarkozy, fondée sur une remise en cause permanente de la crédibilité de Royal. Cette agressivité est évidente à la lecture, mais ne m'était pas du tout apparue lors du débat. Comme quoi...
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