2007: Et Dieu dans tout ça ?
Vous avez certainement lu comme moi dans la presse les dernières nouvelles concernant Nicolas Sarkozy, qui après le discours sur Jaurès, Blum et les travailleurs, suivi d'un virage assez remarqué mêlant immigration et identité nationale, se met à revendiquer les racines chrétiennes de l'Europe et de la France, louant le «long manteau d'églises» qui recouvre notre pays.
On peut se rassurer en se disant qu'un peu désespéré, il essaie de grapiller quelques voix de l'électorat chrétien qu'il a récemment choqué avec ses propos sur le déterminisme génétique, et que tout cela n'est que flatterie vers un n-ième segment de l'opinion publique, comme on en a eu tant, à gauche comme à droite dans cette campagne. Mais quand l'on se souvient des difficiles débats sur la laïcité (le port du voile, le sexe des médecins hospitaliers, etc.), on peut se demander si c'est vraiment le moment d'agiter le goupillon et de donner ainsi des idées à d'autres... Et si l'on a en tête le débat sur le traité constitutionnel, où la France a résisté avec difficulté à la pression d'autres pays comme la Pologne, qui voulaient intégrer dans la Constitution la référence aux racines chrétiennes de l'Europe, on peut être un peu inquiet de la suite qui va être donnée au dossier s'il est élu (sachant que la Constitution ne repassera pas dans ce cas, il l'a dit, par un référendum). « La question de savoir si Dieu doit être dans la Constitution européenne ne se pose plus puisqu'il n'y a pas de Constitution », dit-il. Oui, mais, il y aura justement bientôt un nouveau projet de Constitution sur le tapis...
Mais j'arrête mon couplet anti-Sarko. A chacun de se faire sa religion avant dimanche... En tout cas, cela m'a donné l'idée d'aller voir comment les candidats utilisent les mots religion(s), chrétien(s), catholique(s), protestant(s), juif(s) et musulman(s) dans les discours. Comme toujours, je rapporte les fréquences à 100 000 mots. Voici la répartition (comme je l'ai déjà dit dans d'autres billets, je n'arrive pas à avoir les discours des autres candidats, qui sont d'ailleurs souvent improvisés et ne laissent pas de trace écrite) :
On voit que Sarkozy est, de loin, le candidat qui met la question des religions au centre de la campagne. Jusqu'ici, il parlait surtout des Juifs (tiens, y aurait-il des voix à prendre de ce côté-là ?), très peu des Musulmans (à part bien sûr les histoires d'excision et de moutons dans les baignoires). Derrière lui vient Le Pen, qui parle des trois religions, et pas mal des Musulmans (détrompez-vous, il n'en dit pas de mal, bien au contraire : depuis l'automne 2005 le FN a changé de stratégie -- il y a des voix à prendre de ce côté-là aussi). En troisième position vient Bayrou, qui parle de la religion surtout pour défendre la laïcité. Les autres parlent peu des religions, voire pas du tout. Un petit point remarquable : dans tous ses discours, Royal n'a jamais prononcé les mots chrétien(s), catholique(s) ou protestant(s), ni d'ailleurs le mot religion(s). Faut quand même pas exagérer. Les électeurs de gauche peuvent peut-être avaler le sabre, l'encadrement militaire, la Marseillaise et le drapeau, mais quand même pas le goupillon !
D'ici qu'il y en ait quelques-uns qui se prennent une calotte, dimanche...
On peut se rassurer en se disant qu'un peu désespéré, il essaie de grapiller quelques voix de l'électorat chrétien qu'il a récemment choqué avec ses propos sur le déterminisme génétique, et que tout cela n'est que flatterie vers un n-ième segment de l'opinion publique, comme on en a eu tant, à gauche comme à droite dans cette campagne. Mais quand l'on se souvient des difficiles débats sur la laïcité (le port du voile, le sexe des médecins hospitaliers, etc.), on peut se demander si c'est vraiment le moment d'agiter le goupillon et de donner ainsi des idées à d'autres... Et si l'on a en tête le débat sur le traité constitutionnel, où la France a résisté avec difficulté à la pression d'autres pays comme la Pologne, qui voulaient intégrer dans la Constitution la référence aux racines chrétiennes de l'Europe, on peut être un peu inquiet de la suite qui va être donnée au dossier s'il est élu (sachant que la Constitution ne repassera pas dans ce cas, il l'a dit, par un référendum). « La question de savoir si Dieu doit être dans la Constitution européenne ne se pose plus puisqu'il n'y a pas de Constitution », dit-il. Oui, mais, il y aura justement bientôt un nouveau projet de Constitution sur le tapis...
Mais j'arrête mon couplet anti-Sarko. A chacun de se faire sa religion avant dimanche... En tout cas, cela m'a donné l'idée d'aller voir comment les candidats utilisent les mots religion(s), chrétien(s), catholique(s), protestant(s), juif(s) et musulman(s) dans les discours. Comme toujours, je rapporte les fréquences à 100 000 mots. Voici la répartition (comme je l'ai déjà dit dans d'autres billets, je n'arrive pas à avoir les discours des autres candidats, qui sont d'ailleurs souvent improvisés et ne laissent pas de trace écrite) :
On voit que Sarkozy est, de loin, le candidat qui met la question des religions au centre de la campagne. Jusqu'ici, il parlait surtout des Juifs (tiens, y aurait-il des voix à prendre de ce côté-là ?), très peu des Musulmans (à part bien sûr les histoires d'excision et de moutons dans les baignoires). Derrière lui vient Le Pen, qui parle des trois religions, et pas mal des Musulmans (détrompez-vous, il n'en dit pas de mal, bien au contraire : depuis l'automne 2005 le FN a changé de stratégie -- il y a des voix à prendre de ce côté-là aussi). En troisième position vient Bayrou, qui parle de la religion surtout pour défendre la laïcité. Les autres parlent peu des religions, voire pas du tout. Un petit point remarquable : dans tous ses discours, Royal n'a jamais prononcé les mots chrétien(s), catholique(s) ou protestant(s), ni d'ailleurs le mot religion(s). Faut quand même pas exagérer. Les électeurs de gauche peuvent peut-être avaler le sabre, l'encadrement militaire, la Marseillaise et le drapeau, mais quand même pas le goupillon !
D'ici qu'il y en ait quelques-uns qui se prennent une calotte, dimanche...
Libellés : Politique
22 Commentaires:
Il ne me semble pas que l'excision n'ait jamais été associée à l'islam.
Sauf par Sarkozy
video
et Villiers, il ne parle pas de religion, notamment des "dangers de l'Islam" ?
Surprenant, à moins que vous n'ayez pas passé ses discours à votre "moulinette" !
Je n'ai pas les discours des autres candidats : ils ne sont pas sur leurs sites, et en fait, la plupart du temps ils les improvisnet et il n'y a pas de trace écrite...
Dommage. Je vais le préciser dans les texte.
Avez-vous pris en compte les doubles-sens comme :
- "en protestant contre..."
- "c'est pas catholique !" (même si je vois mal un candidat dire cette expression...)
Je pense que ces 2 mots (protestant et dans une moindre mesure catholique) peuvent induire le calcul en erreur.
Et bravo pour vos études pleines de bon sens !
Sylvain> Oui, j'ai vérifié. Protestant n'est jamais utilisé au singluier, ce qui résoud le problème. Catholique n'est jamais utilisé dans ce sens. Et merci pour vos remarques pleines de bon sens aussi !
Le sujet est bon et il se prête à l'exercice (ni trop fréquent ni trop rare, ni insignifiant, etc.) et puis les résultats sont là de la France action française au born again Sarkozy à la très catholique udf, etc.... Toujours par curiosité, relativisez-vous aussi à la longueur des discours ? J'imagine que le corpus contient la totalité des discours de chaque candidat, mais comme chaque forme de discours constitue un acte de communication bien distinct
Puisque l'objet de cette petite recherche portait sur la religion, n'aurait t'il pas été pertinent de compter aussi le mot 'religion' ?
Voici l'info qu'il faut faire circuler :
Sondage TNS-Sofres publié dans le Figaro de ce jour :
'Au second tour, Nicolas Sarkozy creuse l’écart avec Ségolène Royal, à 53% contre 47%, soit deux points de mieux que lors de la précédente enquête. Opposé à François Bayrou, en revanche, le candidat de l’UMP est donné perdant à 46% contre 54% pour le centriste.'
Voici l'argument clé de la campagne. Pour battre Sarkozy votez Bayrou ! Ségolène Royal ne rassemble pas la gauche...
Pierre> Si! Je l'ai rajouté (merci!).
Leila> relativisez-vous aussi à la longueur des discours ? -- oui
Bravo pour cette analyse ! Si cela intéresse J. Véronis,j'ai publié dans "coming ouSt", mon blog, une étude sur deux phrases emblématiques de Royal et Sarkozy ici :
http://comingoust.canalblog.com/archives/2007/04/20/4683070.html
A bientôt.
Merci du lien, Julie !
"le long manteau d'église" si c'est la citation exacte de sarkozy (je ne suis pas allé vérifié mais je vous fais confiance) il fait référence à la célèbre phrase de raoul glaber, autour de l'an mil sur "la france se couvre d'un blanc manteau d'église" pour signifier la renaissance religieuse des 10-12e siècle et justement la reconquête de l'espace par l'église. Cette citation est tout à fait étonnante de la part de sarkozy, mais probablement que d'autres que moi ont vu la parenté des expressions.
ça dé"note en tout cas de sa part une reflexion sur l'histoire du pays. Il touche très juste par cette expression !
Richard> Oui, c'est la citation telle que la rapporte le Figaro, qui a d'ailleurs mis des guillemets (qu'il n'a pu entendre, évidemment, donc les journalistes ont reconnu la citation). Si je ne me trompe pas c'est Georges Duby qui rapporte la citation de ce moine-chroniqueur bourguignon. Sarkozy a peut-être lu l' "Histoire de la France" (ou alors ses conseillers lui ont préparé des fiches...). Le problème n'est pas la justesse de l'expression, c'est son opportunité ...
Petite remarque en passant: Sarkosy la cite de travers (à moins que ce soit le Figaro qui est mal transcrit). Ce n'est pas le long manteau, mais le blanc manteau.
On peut lire ces résutats de deux façons:
1. Retour chez Sarkozy d'un obscurantisme chrétien ancré dans la tradition de la droite française
2. Déni à gauche d'une problématique de choc culturel dont nous ne sortirons pas facilement.
Dans aucun des cas nous ne sommes dans un discours raisonnable.
Ce qui est étonnant est la manière dont les discours de Sarkozy font l'objet d'une exégèse spontanée parmi ses soutiens: à la question: Sarkoy lepénise-t-il son discours? On a les réponses suivantes: non, il cherche juste à ramener les électeurs du FN dans le giron républicain. La légitimation de la démarche sarkozyste conduit à une belle opposition sémantique: "c'est un républicain sincère", et "au fond, il ne pense pas ce qu'il dit". En somme, c'est parce qu'il est sincère qu'il ment...
Spontanée ?
difficile de parler d'obscurantisme chretien aujourd'hui...
le mal est ailleurs et tout le monde le sait
personne n'a parle des 3 chretiens torture et assassines en turquie;alors que ca fait la une en italie notament
elections oblige..
les profanations de cimetierres continuent comme A CHAQUE veille d'elections!
des scenes d'emeutes sont presentes aujourd'hui a clichy et personne n'en parle...
Bonjour Jean Véronis, voyant vos résultats, j'aurais une commande à faire (si c'est possible).
En fait, je voudrais savoir pour quels sujets les candidats utilisent le plus de citations. En effet, étant en classe préparatoire scientifique et faisant un nombre non négligeable de dissertations, je m'aperçois que j'utilise principalement des citations lorsque je n'ai rien à dire sur le sujet alors que dans le cas où les idées viennent spontanément, les citations sont superflues.
Ma question est donc de savoir pour quels sujets (et à quelle fréquence) les candidats utilisent les tournures « D'après », « Selon »... pour tenter d'en conclure quelles sont leurs « vraies » idées.
Au plaisir de vous lire, David.
Je ne vois pas où sarkozy associe l'exision à l'islam.
Il parle de pratiques non républicaines. Par des pratiques non républicaine commises par des musulmans.
Anonyme> Je ne vois pas où sarkozy associe l'exision à l'islam.
Ici: vidéo.
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