Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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lundi, mars 12, 2007

Lexique: Amodier

J'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer la richesse du vocabulaire de Jean-Marie Le Pen. En voici un exemple concret. Je l'ai entendu ce soir au JT de PPDA, parlant de Royal, Bayrou et Sarkozy, qui pour lui sont «les représentants d'un système qui a mené la France au désastre», nous expliquer «qu'ils vont essayer de l'amodier»...



Connaissez-vous le verbe amodier ? Je n'en trouve que quelques centaines d'occurrences sur Yahoo...

Si vous ne le connaissez pas, vous aurez peut-être le réflexe d'ouvrir le Petit Larousse :

Amodier. v.t. Concédér par amodiation.

Bon, c'est un de ces jeux de piste qu'affectionnent les lexicographes. Allons voir amodiation :

Amodiation. n.f. DR. Exploitation d'une terre ou d'une mine moyennant une redevance périodique.

Le Petit Robert donne à peu près les mêmes définitions.

Mais alors, que cherche à nous dire Jean-Marie Le Pen ? Quel rapport avec l'agriculture ou les mines ? En fait, ce verbe a un homographe, encore moins fréquent, qui signifie «aménager». Le premier amodier vient de modius, « boisseau, muid (de blé) », le second de latin modus, «mesure» (comme mode, modérer, etc.). Ce deuxième amodier est si peu fréquent qu'il n'est même pas dans les dictionnaires courants.

Étonnant, tout de même, pour le champion supposé du populisme !

34 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

D'après l'Atilf, il s'agit même d'aménager "suivant la conjoncture", il y aurait donc une nuance opportuniste.

13 mars, 2007 00:40  
Anonymous Anonyme a écrit...

Rions avec les mots rares :

Dictionnaire de l'Académie (édition 1694)
ADMODIER, v. act.
Plusieurs prononcent Amodier, Affermer une terre en grain ou en argent. Il a admodié sa terre tant de muids de bled, tant d'argent.
ADMODIÉ, ÉE, part.
ADMODIATION. s.f.v. Bail à ferme d'une terre en grain ou en argent. Faire l'admodiation d'une terre.
ADMODIATEUR, s.m.v. Qui prend une terre à ferme. Il s'est rendu admodiateur d'une telle terre.

Nicot, Thrésor de la langue françoyse, tant ancienne que moderne, 1606.
Admodier ses terres, c'est les bailler à ferme ou muyages, Agros locare.
Admodiation, bail à ferme ou muyages, Agrorum locatio.
Admodiateur, Locator.

13 mars, 2007 01:19  
Anonymous Anonyme a écrit...

J'oubliais, juste pour la bonne bouche :

ADMODIER. v. act.
Donner, ou prendre à ferme un heritage à moitié fruits, ou à une certaine redevance de grains. Il vaut mieux admodier sa terre, que de la cultiver par les mains. Ce mot vient de modius, parce que ces baux se font d'ordinaire à une certaine quantité de muids de grain.

Furetière, 1690

13 mars, 2007 01:25  
Blogger Unknown a écrit...

Je viens de découvrir votre blog grâce à un blog sur cuk.ch vous citant.
J'avoue ne pas faire de commentaires la plupart du temps sur les différents blogs que je parcours, mais là, je n'ai pas pus résister à la tentation de vous féliciter. Vous lire est une raison de plus pour avoir des journées de plus de 24H... ^^

13 mars, 2007 04:51  
Anonymous Anonyme a écrit...

sacré Jean-marie! IL nous fera toujours rire!
En utilisant ce genre de vocabulaire ce la montre un chose, c'est qu'il a des pensées arrièrés, d'un autre temps comme son vocabulaire...

13 mars, 2007 06:11  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je n'ai pas suivi ce JT.
PPDA savait-il lui ce que signifiait "admodier" ? A-t-il demandé à Le Pen d'expliquer ce mot au commun des mortels ?

13 mars, 2007 06:35  
Anonymous Anonyme a écrit...

" Anonyme a écrit...

sacré Jean-marie! IL nous fera toujours rire!
En utilisant ce genre de vocabulaire ce la montre un chose, c'est qu'il a des pensées arrièrés, d'un autre temps comme son vocabulaire...
13 mars, 2007 06:11 "

L'imbécile qui a écrit cela a bien fait de rester anonyme ! Quand on réussit faire trois fautes dans une seule phrase, c'est plus prudent.

Sur le fond, "amodier" signifie "modifier suivant la conjoncture". Donc Le Pen a parfaitement utilisé ce mot, on peut même dire qu'il a choisi le mot le plus adéquat et le plus juste.
Parler correctement français est en effet en train de devenir démodé, il n'y a qu'à écouter Sarkozy ou Royal; ils prononcent rarement trois phrases sans faire une faute de syntaxe, de logique ou d'usage.
Confions le pouvoir à Diam's, là, on atteindra vraiment la modernité !

13 mars, 2007 09:04  
Anonymous Anonyme a écrit...

Avant de raconter n'importe quoi (je parle de certains commentateurs), apprenez qu'il existe deux verbes homonymes "amodier".
Il ne s'agit pas du même verbe ayant plusieurs sens mais bien de deux verbes différents.
Pour vous en convaincre, recherchez "amodier" à cette adresse : http://atilf.atilf.fr

" AMODIER2, verbe trans.
ADMIN., FIN. [En parlant de mesures, de crédits] Aménager suivant la conjoncture :

1. ... nombre d'actions ou de réformes, hautement souhaitables sur le plan technique et reconnues de la sorte nécessaires par des hommes de toutes idéologies doivent être écartées, différées ou amodiées parce qu'elles rencontreraient l'hostilité de l'opinion.
G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'administration de la France, 1967, p. 433.
En partic. Revaloriser :

2. ... les premiers délais de mise au point de tranches régionales ont conduit, dans beaucoup de secteurs, à ne pas débuter le Ve plan sur la base d'une régionalisation de ses cadres financiers, mais sur la base d'une reconduction amodiée des dotations budgétaires de l'année 1965 pour la première année 1966 d'exécution du Ve plan.
G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'administration de la France, 1967 p. 377. "

Ce verbe est donc particulièrement utilisé en finance publique, ce qui montre que Le Pen a bien plus travaillé ces domaines que certains ne veulent le croire.

13 mars, 2007 09:12  
Anonymous Anonyme a écrit...

Jean Véronis a dit :
"Étonnant, tout de même, pour le champion supposé du populisme !"

Vous avez vraiment cru que Le Pen était une brute assoiffée de sang comme ont voulu le présenter les médias ?
Au fur et à mesure que Jean-marie Le Pen bénéficie d'un accès direct au médias plus important pendant cette campagne qu'auparavant, nous avons l'occasion de le découvrir tel qu'il est et non tel que les médias se sont toujours plu à le présenter.
Je suis loin de partager toutes ses idées, mais force est de constater qu'il est un des derniers représentants d'une certaine grande culture.

13 mars, 2007 09:22  
Anonymous Anonyme a écrit...

Dernière remarque sur le fond :
"Amodier" signifiant "modifier suivant la conjoncture", Le Pen oppose ici un argument très lourd de sens à ses adversaires. En effet, il accuse Bayrou, Sarkozy et Royal de n'avoir pas de convictions profondes à même de guider leur action. Ils ne seraient capables que de modifier, à la marge, les politiques publiques, en suivant le vent, autrement dit la conjoncture. C'est le sens de l'exemple donné par le TLF du CNRS :

1. ... nombre d'actions ou de réformes, hautement souhaitables sur le plan technique et reconnues de la sorte nécessaires par des hommes de toutes idéologies doivent être écartées, différées ou amodiées parce qu'elles rencontreraient l'hostilité de l'opinion.
G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'administration de la France, 1967, p. 433.

Ce blog, que je trouve remarquable, est intitulé "Technologies du langage"; je pense donc qu'il seraient bon que les commentateurs privilégient cet axe aux anathèmes politiciens que de nombreux autres blogs seraient mieux à même d'accueillir.

13 mars, 2007 09:41  
Anonymous Anonyme a écrit...

Dans mon dernier commentaire, je voulais écrire "qu'il serait bon", merci de corriger.

13 mars, 2007 09:45  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je ne sais pas si Jean-Marie Le Pen sera un jour président, mais une chose est sûr, il a gagné, il est devenu légitime

13 mars, 2007 11:01  
Anonymous Anonyme a écrit...

Pas très pratique pour suivre les commentaires d'avoir le même bileet dans vos deux blogs...

Techniquement, je suis nul mais n'y a-t-il pas moyen de faire un re-routage ?

Bonjour chez vous

13 mars, 2007 11:14  
Anonymous Anonyme a écrit...

" Il n'aurait pas voulu dire amadouer, par hasard ?

Chacun ses lapsus...
Bonjour chez vous

Jean Meyran "

Hypothèse crédible et savoureuse

13 mars, 2007 12:18  
Anonymous Anonyme a écrit...

Amodier : destiner sa terre à l'affermage myennant rétribution en monnaie ou en nature.

Amodier la France : la livrer à l'étranger (investisseurs, travailleurs immigrés) pour peu qu'on en obtienne des contre-parties sonnantes et trébuchantes !
L'outil de production et la culture française menaceraient donc de passer sous influence étrangère.

Précision : j'ai 40 ans et je n'ai jamais voté pour un candidat de droite !

13 mars, 2007 12:47  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bravo Mathéo ! je n'y avais pas pensé; c'est aussi une hypothèse intéressante. Décidemment, la pensée de Jean-marie Le Pen est un puit sans fond !!!

13 mars, 2007 13:12  
Anonymous Anonyme a écrit...

Mr Véronis pourrait peut-être appeler Jean-Marie Le Pen pour lui demander un éclaircissement et ainsi nous livrer le fin mot de l'histoire ...

13 mars, 2007 13:24  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Ça me paraît tout à fait clair : il a utilisé le verbe "amodier" de façon parfaitement correcte, dans son sens "aménager suivant la conjoncture" (du latin modus).

13 mars, 2007 13:31  
Anonymous Anonyme a écrit...

Jean-Marie Le Pen puise son inspiration dans Lucky Luke ! Dans " La ruée vers l'Oklahoma" on trouve aussi de vilains politiciens qui utilisent des mots incompréhensibles. Pan!

13 mars, 2007 13:50  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je maintiens que votre interrogation, toujours étonnée, sur le fait d'être populiste tout en étant lettré est une erreur d'analyse sur le populisme et une faiblesse de linguiste distingué, qui ne peut se résoudre à admettre que l'on puisse aimer la langue française et penser aussi bassement.

13 mars, 2007 15:54  
Anonymous Anonyme a écrit...

http://www.langue-fr.net/index/A/amodiation.htm#fllf

Cette page web affirme qu'amodier ne peut s'utiliser pour aménager. Qu'en est il?

Je suis plutôt partisan d'une belle langue francaise, mais de là à ce que ca devienne quasi incompréhensible...

13 mars, 2007 15:56  
Anonymous Anonyme a écrit...

Lu cette pertinente analyse sur un site d'extrême-droite :

"L'emploi du mot est donc adéquat, le commentaire de Jean-Marie Le Pen pertinent, et ceux qui ne comptent pas "amodier" dans leur lexique auront instinctivement compris de quoi il s'agit. Alors que la novlangue des autres candidats reste une énigme que les Français n'ont pas encore élucidée."

Voilà pourquoi Jean-Marie Le Pen peut séduire les couches populaires tout en utilisant un langage châtié : les mots rares qu'il utilisent sont compréhensibles par le contexte et s'insèrent dans une langue classique compréhensible par tous contrairement à la novlangue techno-bobo d'une Ségolène Royal, par exemple.

http://www.fdesouche.com/index.php?2007/03/13/1679-le-seul-candidat-cultive

@ Ziyada

Lisez mes commentaires un peu plus haut, vous aurez une réponse précise à votre question, ainsi que mes sources

13 mars, 2007 16:49  
Anonymous Anonyme a écrit...

@ CLAUDE.A

"que l'on puisse aimer la langue française et penser aussi bassement"

Si je puis me permettre, vous en donnez vous-même la preuve en ne cherchant pas à voir plus loin que l'image de Jean-Marie Le Pen recrachée par les médias.

13 mars, 2007 16:55  
Anonymous Anonyme a écrit...

On sait qu'un des trucs de De Gaulle pour marquer les médias était de ressortir un mot oublié (quarteron, volapuk, chienlit).
Est-ce une tactique de Le Pen pour apparaître dans ce blog ?
Personnellement je ne lui ferai pas cet honneur. Car au nom de la défence et illustration de LA langue française on donne une tribune à un personnage qui n'en a pas besoin.
Finalement c'est un peu comme avec Céline, sa créativité langagière pouvait être fascinante, mais le personnage (pas seulement le personnage d'ailleurs, l'écrivain aussi) faisait vomir.

13 mars, 2007 18:28  
Anonymous Anonyme a écrit...

défense...

13 mars, 2007 18:33  
Blogger Tororo a écrit...

L'éphémère courant litéraire dit "populiste" se caractérisait précisément par l'emploi d'un lexique abondant, enrichi des apports, aussi bien de la langue verte, que du vocabulaire des métiers...
Il est bien dommage que le mot "populisme" ne soit plus guère employé que dans un sens péjoratif... et que même dans votre excellent blog, cher Jean Véronis, on trouve des traces du préjugé selon lequel la langue populaire serait nécessairement plus pauvre que la langue savante (une langue d'en bas, en quelque sorte...)! Ne vaudrait-il pas mieux laisser ce genre d'idée aux raffarins?
(raffarin, n.m.: sorte de tartarin tirant sur le trissotin )

13 mars, 2007 18:33  
Blogger Jean-Marc Bondon a écrit...

Nous pouvons partager la même langue sans nous comprendre. Celui qui maitrise et utilise un vocabulaire riche, disons quatre mille mots, n'est généralement pas compris ou pas complètement par ceux qui connaissent moins de mille cinq cents mots.

Il en est de même pour les différents jargons ou vocabulaires spécialisés. Je lis le blog de Jean Véronis avec plaisir et intérêt. Qu'en serait-il si chaque billet était truffé de termes de linguistique ?

13 mars, 2007 18:57  
Blogger yrduab a écrit...

Je hais les pièces d'éloquence
Hors de leur place, et qui n'ont point de fin,
Et ne sais bête au monde pire
Que l'Ecolier, si ce n'est le Pédant.
Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire,
Ne me plairait aucunement.

13 mars, 2007 20:51  
Anonymous Anonyme a écrit...

Eh oui ! Le Pen, qui joue pourtant souvent sur le registre du français châtié (plaise au Ciel qu'il n'ait pas l'occasion de châtier les Français) commet une erreur répandue, sans doute due à une confusion avec mode, d'où le sens fautif d'aménagement... que l'usage finira peut-être par entériner (attendons une petite centaine d'années pour le vérifier), mais qui n'est pas admis dans la langue surveillée.

Voir :
http://www.langue-fr.net/index/A/amodiation.htm

13 mars, 2007 22:12  
Blogger Jean Véronis a écrit...

Luc> Si je puis me permettre, cette page est erronée. Il y a bien deux verbes "amodier", dont j'explique les deux étymologies. Ce n'est pas parce que la plupart des dictionnaires ignorent le second, assez rare, qu'il est fautif. C'est un terme attesté depuis le XIVe siècle et qui se trouve dans la langue juridique.

Le TLF décrit tout cela.

14 mars, 2007 06:41  
Anonymous Anonyme a écrit...

Si je puis me permettre, amodier est effectivement un verbe utilisé dans le langage juridique. J'ai fait mes études à Sc po et certains de mes professeurs l'utilisaient régulièrement pour mentionner les modifications de textes législatifs.
Comme l'a dit un des commentateurs de ce billet, il est vraiment dommage que les hommes et femmes politiques "modérés" sur le plan des idées affadissent aussi leur langage, au point que l'unique tenant de la correction grammaticale et lexicale devienne JM Le Pen.

14 mars, 2007 11:31  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour
d'un autre coté, sans vouloir promouvoir le langage SMS, je pense qu'il aurait pu exprimer la même idée en utilisant des mots que tout le monde comprend (moi même avec mon bac+8, je rencontre ce mot pour la première fois). Sans nier les compétences de JLP en langue française, j'y vois surtout là une façon de se poser en défenseur de la langue, de l'identité, et tout ce qui va avec dans son discours...
cordialement

14 mars, 2007 16:30  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je signale aussi l'utilisation des "contrats d'amodiation" dans les ports de plaisance. Le concessionnaire (qui lui-même détient ses droit d'un contrat avec la personne publique propriétaire du port) passe contrat (d'amarrage, d'outillage...) avec l'amodiataire (plaisancier, professionnel)

21 mars, 2007 19:52  
Anonymous Anonyme a écrit...

Outre le fait que JMLP fait le pédant, il n'a aucun mérite à connaître ce mot-là, il a fait des études de droit (ou en tout cas sa fille qui lui aura soufflé le mot). Il essaye d'impressionner les gogos. D'accord avec vous: difficile de comprendre qu'on puisse parler un français soutenu et avoir une pensée aussi vulgaire.

09 avril, 2007 17:51  

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