2007: Vouloir (le pouvoir ?)
Je discutais l'autre jour de la lemmatisation, c'est-à-dire le traitement qui consiste, par des moyens automatiques, à ramener tous les mots d'un texte à leur forme de base (infinitif, masculin singulier, etc.). Elle est particulièrement intéressante pour les verbes, qui ont de nombreuses formes en français. Par exemple dans la base des discours des candidats (Discours 2007), le seul verbe vouloir se présente sous les 22 formes suivantes : veuille, veuillent, veulent, veut, veux, voudra, voudrai, voudraient, voudrais, voudrait, voudriez, voudrions, voudront, voulaient, voulais, voulait, voulant, voulez, vouloir, voulons, voulu, voulue.
Je suis en train de préparer mon cours de lundi, et je me suis dit que ce serait intéressant de chercher avec mes étudiants quels sont les verbes les plus employés par les principaux candidats (en éliminant les verbes être et avoir, qui jouent la plupart du temps un rôle d'auxiliaire).
Voici les résultats (les fréquences ont été ramenées à 1 pour 10000 mots) :
Première constatation, le verbe vouloir arrive en tête chez Royal et Sarkozy, ce dernier étant le champion absolu de la volition. J'avais déjà eu l'occasion de faire remarquer l'omniprésence de la formule je veux chez Sarkozy dans un précédent billet (et en particulier je veux être le président, qu'il prononçait 27 fois dans le même discours...). L'utilisation de ce verbe est moitié moins fréquente chez Bayrou, mais j'ai surtout été surpris de sa faible utilisation par Le Pen, qui l'utilise environ six fois moins que Royal et Sarkozy. On a pourtant, me semble-t-il, une image autoritaire et volontariste du leader du Front National, image avec laquelle l'utilisation répétitive de la formule je veux aurait bien collé. En fait, le discours de Le Pen est le moins égocentré de tous.
L'image s'affine encore si on prend la répartition des différentes formes du verbe vouloir chez chacun des candidats :
On voit que la forme veux est très peu fréquente chez Le Pen (5% seulement des formes du verbe vouloir, alors qu'elle atteint 59 % chez Sarkozy et 63 % chez Royal). Chez Le Pen, les formes les plus fréquentes sont (ils) veulent, (il) veut, (nous) voulons (cliquer sur les liens pour voir les contextes).
On oberve ainsi une caractéristique importante des différents discours. Royal et Sarkozy veulent (le pouvoir ?), tandis que Le Pen parle pour le peuple qui veut.
Je suis en train de préparer mon cours de lundi, et je me suis dit que ce serait intéressant de chercher avec mes étudiants quels sont les verbes les plus employés par les principaux candidats (en éliminant les verbes être et avoir, qui jouent la plupart du temps un rôle d'auxiliaire).
Voici les résultats (les fréquences ont été ramenées à 1 pour 10000 mots) :
Bayrou | LePen | Royal | Sarkozy | ||||
62 | faire | 38 | faire | 60 | vouloir | 73 | vouloir |
47 | dire | 28 | pouvoir | 59 | faire | 61 | faire |
38 | pouvoir | 22 | falloir | 42 | devoir | 48 | pouvoir |
34 | vouloir | 22 | dire | 41 | dire | 32 | devoir |
34 | aller | 22 | devoir | 27 | pouvoir | 28 | dire |
31 | devoir | 15 | aller | 21 | aller | 21 | falloir |
31 | falloir | 11 | permettre | 20 | falloir | 20 | proposer |
13 | voir | 11 | vouloir | 19 | mettre | 18 | donner |
Première constatation, le verbe vouloir arrive en tête chez Royal et Sarkozy, ce dernier étant le champion absolu de la volition. J'avais déjà eu l'occasion de faire remarquer l'omniprésence de la formule je veux chez Sarkozy dans un précédent billet (et en particulier je veux être le président, qu'il prononçait 27 fois dans le même discours...). L'utilisation de ce verbe est moitié moins fréquente chez Bayrou, mais j'ai surtout été surpris de sa faible utilisation par Le Pen, qui l'utilise environ six fois moins que Royal et Sarkozy. On a pourtant, me semble-t-il, une image autoritaire et volontariste du leader du Front National, image avec laquelle l'utilisation répétitive de la formule je veux aurait bien collé. En fait, le discours de Le Pen est le moins égocentré de tous.
L'image s'affine encore si on prend la répartition des différentes formes du verbe vouloir chez chacun des candidats :
Bayrou | LePen | Royal | Sarkozy | ||||
37 % | veux | 23 % | veulent | 63 % | veux | 59 % | veux |
16 % | veut | 16 % | veut | 7 % | voudrais | 13 % | veut |
10 % | voulons | 10 % | voulons | 7 % | veulent | 9 % | veulent |
10 % | voudrais | 10 % | voudrais | 5 % | voulez | 3 % | vouloir |
5 % | veulent | 9 % | voulu | 4 % | voulons | 2 % | voulait |
4 % | voulu | 9 % | vouloir | 4 % | veut | 2 % | voudrais |
4 % | voulais | 5 % | veux | 2 % | vouloir | 2 % | voulons |
2 % | voulait | 3 % | voulait | 2 % | voulu | 1 % | voulu |
2 % | voudrai | 1 % | voulue | 0.9 % | voudraient | 1 % | voulez |
1 % | voulue | 1 % | voulez | 0.6 % | voulue | 0.8 % | voulais |
1 % | vouloir | 1 % | voulant | 0.6 % | voudra | 0.7 % | voulaient |
1 % | voulez | 1 % | voudrait | 0.4 % | voulait | 0.7 % | veuille |
0.9 % | voudrait | 1 % | voudraient | 0.4 % | voulais | 0.4 % | voulue |
0.6 % | voulaient | 1 % | veuille | 0.4 % | voudront | 0.3 % | voudrait |
0.3 % | voulant | 0.4 % | voudrait | 0.2 % | voudront | ||
0.3 % | voudrions | 0.4 % | veuille | 0.2 % | voudriez | ||
0.3 % | voudraient | 0.2 % | veuillent | 0.2 % | voudraient | ||
0.3 % | voudra | 0.1 % | voulant | ||||
0.3 % | veuille | 0.1 % | voudrions | ||||
0.1 % | veuillent |
On voit que la forme veux est très peu fréquente chez Le Pen (5% seulement des formes du verbe vouloir, alors qu'elle atteint 59 % chez Sarkozy et 63 % chez Royal). Chez Le Pen, les formes les plus fréquentes sont (ils) veulent, (il) veut, (nous) voulons (cliquer sur les liens pour voir les contextes).
On oberve ainsi une caractéristique importante des différents discours. Royal et Sarkozy veulent (le pouvoir ?), tandis que Le Pen parle pour le peuple qui veut.
Libellés : Politique
22 Commentaires:
La similitude entre les 5 premier mots chez Ségolène et Nicolas est assez spectaculaire (Les deux premiers dans le même ordre et les 3 suivants dans le désordre, un beau quinté !), je trouve.
Effectivement, c'est très frappant. Il y a beaucoup de similitudes, d'une façon générale, dans la forme de leurs discours. Ce serait intéressant à analyser plus. Peut-être aussi à mettre en relation avec le fait que les deux qui se ressemblent le plus, Royal et Sarkozy, sont justement les deux qui n'écrivent pas leurs discours eux-mêmes (au contraire de Bayrou et Le Pen). Doit-on y voir une sorte de "langage unique" des différents plumes, conseillers en com, et technos de cabinets ?
Je n'ai pas les contextes sous les yeux (je n'arrive pas à les charger), mais Le Pen se place souvent en martyr, ce qui pourrait expliquer le "ils veulent" (ils veulent nous abattre, nous évincer, etc.), non ?
Par ailleurs, tu as conservé le "aller", mais il joue souvent un rôle proche de l'auxiliaire, non ?
J'ai remarqué en regardant à quoi se rapportaient ces mots dans les discours de Lepen, qu'on y retrouvent surtout un renvoie aux autres partis (PS et UMP surtout): "une charge qu’ils veulent faire assumer","On veut faire venir des immigrés".
Ca correspond à sa façon de se positionner en politique, il me semble.
Kaa> Tu n'arrives pas à afficher la concordance dans Discours 2007 ? Bizarre, bizarre. Je n'ai pas encore rencontré ce pb.
Aller - Oui, je l'ai conservé, un peu par paresse... C'est vrai que dans ce type de texte, il marque le plus souvent le futur "périphrastique" (ex. : je vais faire). Je ne sais pas dans quelle proportion, d'ailleurs, ce serait un exercice intéressant ;-)
Fabien> Oui, je n'ai pas encore analysé en détail, mais ça a l'air vrai. Ils veulent (les français, les politiciens)...
Et c'est un discours d'une redoutable efficacité. Contrairement à ce que pensent peut-être les technos de cabinets, se mettre en avant avec des "je veux" n'est pas le meilleur moyen de convaincre. L'image d'ambition personnelle affaiblit le discours.
Non, c'était juste long à charger, comme ton blog quand il y a de nouveaux posts... la rançon de la gloire ;-)
D'ailleurs, j'adore tes dernières citations.
PS : en parlant de flemme, je cherche un segmenteur de phrases pour le français, tu n'aurais pas ça sous le coude, des fois ?
Kaa> Comme tu sais, si on veut vraiment faire un travail très fin, c'est compliqué. Il faut un lemmatiseur, des lexiques (avec des listes d'abréviations de tous genres), etc.
Mais sur la plupart des textes courants (sans des tas d'abrétiations, nombes et formules), ce script Perl marche de façon très correcte :
while (<>) {
chomp;
s/( *[.?!]+) +(?=[[:upper:]])/$1\n/g;
print;
print "\n";
}
Merci, mais je cherche qqch de plus sérieux, avec une liste d'abréviations de base... Je sais qu'il en existe, mais je n'arrive pas à m'en procurer un. Tant pis, allons-y pour la réinvention de la roue ;-)
Si on fait la somme des fréquences, on arrive à des chiffres similaires pour Bayrou, Royal et Sarkozy (resp 290, 289 et 301), mais avec LePen on tombe à 169 ! Est ce que cela signifie qu'il emploie globalement beaucoup moins de verbes en proportion ? Peut être est ce la marque de l'appartenance à une autre génération.
Quand j'écoute un discours comportant l'affirmation excessive (?) d'une grande volonté par l'usage abusif et répété du "je veux", je suis toujours un peu troublé car cela manque singulièrement de modestie et d'humilité, à mon avis.
Je ne peux pas m'empêcher de penser que cela tend surtout à remédier à un déficit de crédibilité (rapport au passé) autant que cela révèle une approche personnelle de la gouvernance.
Lds> Le Pen utilise un peu moins de verbes que les autres, mais surtout il a une plus grande palette de verbes. C'est de loin celui qui a le vocabulaire le plus complexe. Ca me rappelle qu'un jour il faudra que je vous parle de la "richesse lexicale"...
Marcus> Cela marque aussi, à mon avis, le manque de confiance en soi. Quand on dit "je veux être président" à tout bout de champ, n'est-ce pas un peu une façon de se convaincre soi-même ?
Je me risque à rajouter que la faiblesse des occurrences de "je veux" chez Le Pen traduit (et le trahit) soit sa faible confiance dans la possibilité qu'il a d'accéder au pouvoir, soit le peu d'envie qu'il en a.
Je suis votre blog depuis le mois de janvier date a laquelle je suis tombé dessus. Vos étudiants ont bien de la chance de suivre votre cours. Etudiant en master relation internationale, c'est avec plaisir que j'aurai aimé vous avoir comme enseignant à la Faculté de Rennes 2. Venez nous rejoindre au plus vite !
Merci Enbref, c'est gentil !
Billet très instructif.
Merci Jean.
Il est d'autant plus marquant de voir que "vouloir" apparaît en tête pour Royal et Sarkozy que ce lemme est nettement moins fréquent dans la langue que "faire", "pouvoir" et "devoir" (de 2 à 4 fois moins selon Lexique 2).
Cela montre bien (comme d'autres précédents billets) que Sarko et Ségo veulent ce job. C'est leur volitude.
Cela traduit aussi le fait que Le Pen n'en veut pas, tout comme le montrait son air dépité en 2002 à l'annonce qu'il était au 2e tour (cf. film de Moati).
Jean-Baptiste Say demandait, au XVIIIème siècle : « Voulez-vous être obéi ? ». Il répondait ensuite : « Il ne faut alors pas vouloir que l'on fasse ; il faut faire que l'on veuille. »
Les hommes politiques n'ont donc encore pas compris (vu la proportion des « veux » à la première personne du singulier).
Je voulais commenter sur le fait que, avec des verbes comme aller et vouloir moitié moins courants chez Le Pen que chez les autres, on avait une illustration indirecte de la particularité de son dirscours: c'est un rhéteur qui emploie délibérément un vocabulaire précis, varié et soutenu.
Mais c'est déjà dit!
tant pis, j'essayerai à l'avenir d'être plus assidue (ou plus originale...)
L'emploi du "ils veulent" sous entend pour moi :
"moi et nous" voulons des choses différentes de "eux".
"je" ne veux que ce que "les gens" veulent, et pose cet avis comme une nécessité indiscutable puisque "je" ne suis pas responsable de cette "vérité".
"je veux" en revanche me semble l'affirmation d'une opinion et d'un regard sur une interprétation qui entend affirmer sa subjectivité par souci d'objectivité.
Ne ressentez vous pas la même chose ?
Il me semble que c'est assez normal que Royal et Sarkosy aient la même forme de discours, pourquoi devrait-on attendre une forme différente, puisqu'ils ont le même genre de formation et naviguent dans les mêmes sphères?
comme l'anonyme du dessus, je suis prudente dans mon interprétation des volitions des deux candidaits phares : il me semble, à moi, que cela signifie plus leur implication, leur engagement personnel, qu'une réelle volition de pouvoir, volition qui doit être partagée par tous les candidats, et surtout par Le Pen. Je ne dis pas que la volition de pouvoir n'existe pas chez Royal et Sarko, simplement qu'elle ne me paraît pas être démontrée par l'utilisation du "je veux", ici.
Pour Le Pen, est-ce que l'absence de présence "sur le front" (ouarf) que représente le peu d'utilisation du "je veux" n'est pas un indice de volonté de manipulation, de vouloir amadouer, ne pas faire peur?
(j'ai le doux mot de "hukjtvnk" à écrire, et vous?)
cher jean
le verbe "VOULOIR a un rapport sémantique évident avec une série d'autres verbes tels que "aimer mieux, avoir peur ,demander,désirer etc...
on pourrait admettre que ces verbes ont un noyau sémantique commun avec "vouloir
par ailleurs,tous ces verbes peuvent être suivis du subjonctif
le style -les écarts de langage- de chaque candidat est certainement pertinent
cf la "discrétion" de le pen et l'autoritarisme de Royal
simony gabriel
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