Ségo: Ca change fort
Il y avait eu Sarkozy I et Sarkozy II. Comme je l'ai déjà expliqué la rupture avec lui-même s'est faite le 16 novembre, jour de l'élection de Ségolène Royal à la primaire du PS. De façon assez déconcertante, la communication de l'UMP a flotté pendant une bonne semaine, on a essayé de tranquilliser la rupture (pour finalement la mettre complètement à la poubelle). J'avais dit à l'époque (sur France Inter) que Sarkozy s'était fait «ségoliniser». On le voyait reprendre les mots fétiches de son adversaire : pacte, respect, confiance, débat... Et ça n'a pas arrêté : dans son grand discours du 14 janvier il parlait de sentiment(s) (7 fois), d'émotion (5 fois), d'amitié, d'amour, de sincérité. «Longtemps ce sont des sentiments que j'ai gardés pour moi, comme un trésor caché au fond de mon coeur», disait-il. Il citait Jaurès, Blum... «J'ai changé», affirmait-il (10 fois). Son image avait changé aussi : plus de tics, de gestes agressifs, main tranchante ou index tendu vers le public. Calmé, le Sarko.
Dans le même temps, il fallait reconnaître une grande constance dans le discours et l'image de Ségolène Royal. Comme je l'explique dans une interview au Temps (Suisse) parue ce matin, elle s'est bâti une image de virginité politique qui a manifestement plu à l'opinion. On a beaucoup parlé de ses tailleurs blancs, mais c'est tout une forêt de symboles qu'elle a mis en place dans son image et dans ses mots. Avec un grand soin à éviter les symboles qui peuvent rappeler une gauche dans laquelle de moins en moins de Français se reconnaissent. Jamais à la tribune avec les éléphants, jamais la rose du Parti à côté d'elle (avez-vous vu comme on l'a habilement escamotée entre le discours de François Hollande et le sien à Villepinte?), et ainsi de suite. Et ses mots étaient soigneusement choisis pour se démarquer du «système» (avez-vous remarqué que le mot «socialiste» était totalement absent à Villepinte ?). Elle avait réussi à implanter une image de fraîcheur, de renouveau politique.
Seulement voilà : les éléphants n'étaient pas contents. Et le faisaient savoir. Elle a résisté courageusement la petite gazelle, mais la charge du troupeau a été plus forte que tout. Hier, elle a cédé. Les revoici. Tous ceux que les Français qui avaient été séduits par sa «virginité» n'avaient plus envie de voir sont de retour. Laurent Fabius, Dominique Strauss-Khan, Martine Aubry, Pierre Mauroy... On ressort même Lionel Jospin du placard.
Ca change fort.
Entre-t-on dans la période Ségo II ? Je guette l'image de famille avec tout ce monde rassemblé, quand DSK sera revenu du Canada et Fabius du Darfour. Je guette ses nouveaux mots : saura-elle résister à la langue de bois rose ?
Ca n'a pas loupé : «On prend les mêmes et on recommence» a aussitôt déclaré l'UMP. C'est probablement le sentiment d'une bonne partie de ceux qui avait été séduits par Ségo I.
Je me demande si ce 22 février 2007 n'est pas le jour où elle a perdu l'élection.
Dans le même temps, il fallait reconnaître une grande constance dans le discours et l'image de Ségolène Royal. Comme je l'explique dans une interview au Temps (Suisse) parue ce matin, elle s'est bâti une image de virginité politique qui a manifestement plu à l'opinion. On a beaucoup parlé de ses tailleurs blancs, mais c'est tout une forêt de symboles qu'elle a mis en place dans son image et dans ses mots. Avec un grand soin à éviter les symboles qui peuvent rappeler une gauche dans laquelle de moins en moins de Français se reconnaissent. Jamais à la tribune avec les éléphants, jamais la rose du Parti à côté d'elle (avez-vous vu comme on l'a habilement escamotée entre le discours de François Hollande et le sien à Villepinte?), et ainsi de suite. Et ses mots étaient soigneusement choisis pour se démarquer du «système» (avez-vous remarqué que le mot «socialiste» était totalement absent à Villepinte ?). Elle avait réussi à implanter une image de fraîcheur, de renouveau politique.
Seulement voilà : les éléphants n'étaient pas contents. Et le faisaient savoir. Elle a résisté courageusement la petite gazelle, mais la charge du troupeau a été plus forte que tout. Hier, elle a cédé. Les revoici. Tous ceux que les Français qui avaient été séduits par sa «virginité» n'avaient plus envie de voir sont de retour. Laurent Fabius, Dominique Strauss-Khan, Martine Aubry, Pierre Mauroy... On ressort même Lionel Jospin du placard.
Ca change fort.
Entre-t-on dans la période Ségo II ? Je guette l'image de famille avec tout ce monde rassemblé, quand DSK sera revenu du Canada et Fabius du Darfour. Je guette ses nouveaux mots : saura-elle résister à la langue de bois rose ?
Ca n'a pas loupé : «On prend les mêmes et on recommence» a aussitôt déclaré l'UMP. C'est probablement le sentiment d'une bonne partie de ceux qui avait été séduits par Ségo I.
Je me demande si ce 22 février 2007 n'est pas le jour où elle a perdu l'élection.
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16 Commentaires:
Donc si l'on suit les différents raisonnements avancés ici et dans les posts précédents, Bayrou a peut-être gagné les élections ce 22 février 2007...
En tous cas, il ne pouvait pas rêver d'un plus beau cadeau !
Sa "famille" lui a fait une proposition qu'elle ne pouvait pas refuser... Et lorsqu'il reviendra de l'ïle de Ré, le Don lui fera le baiser de la mort !
Une devinette: qui sera Luca Brazzi d'après vous ?
A propos des "éléphants", pourquoi à votre avis utilise-t-on cette expression ?
*Des poids lourds, qui ont de l'influence - mais alors Jospin qui est 'out' n'en est pas un.
*D'anciens caciques proche du cimetière (pas le cas de DSK et Fabius)
Pour la droite on parle des "barons" (du gaullisme) pas d'éléphants, ou bien de "grandes figures" de ceci ou cela. Aux states on dirait dinosaurs
Le message est évidemment violent pour tous ceux qui, en dehors de l'appareil, ont pu croire que c'était arrivé. Il peut se résumer ainsi : "la politique c'est trop sérieux pour la laisser à des amateurs".
Et en plus, Ségolène Royale en est fière ! (France-info ce matin)
Alors oui, si elle dévisse à nouveau dans les sondages (grande volatilité de l'électorat) et que François Bayrou vient à flirter avec les 20 % d'intention de vote au début de la campagne officielle, ça va devenir très très chaud pour Nicolas Sarkozy.
All> Lourds, pesants sans doute. Je crois que dinosaure est en plus associé à l'idée de très vieux, en voie d'extinction. Jospin est peut-être un éléphant-dinosaure !
Un mammouth, quoi! mais c'est déjà pris, et pour un sujet qui fache!
mais pourquoi personne ici n'imagine que Sego puisse battre Nico au second tour?
Azouz, on vous a reconnu! fais gaffe, avec les adresses IP, on peut remonter à votre ministère! Vous faites exactement ce que vous disiez: vous soutenez Villepin, même s'il n'est pas candidat!
Bon, j'arrête d'accaparer les commentaires avec mes blagues à deux sous, promis!
Juste une remarque: quand on regarde l'évolution des intentions de votes en février selon CSA, la baisse de Nico est symetrique à la montée de Bayrou... il ne prend donc pas que des voix à gauche, ce qui expliquerait le revirement de stratégie à l'UMP, non?
Merci de préciser que le Temps est celui de Suisse, il n'a en effet pas le même rythme là-bas.
Trêve de blagues idiotes moi aussi.
Ce qui me surprend, c'est l'aspect "surprise" de chacun de ces revirements, ou de chacune de ces réadaptations de stratégie. J'ai du mal à pense que la candidate issue du PS a pu à ce point s'imaginer pouvoir s'affanchir du PS ancien. Que Sarkozy ait pu à ce point être désarçonné par un adversaire nouveau. Il y aurait 1000 autres exemple, à chaque fois je suis bluffée par la surprise que semblent leur causer des éléments assez prévisibles.
La foi en eux-mêmes d'accord, elle est évidemment nécesssaire, mais entraîne-t-elle, ou vient-elle, d'un degré d'orgueil qui les aveugle complètement ?
Hé ben.. j'ai écrit un billet un peu dans le même registre... comme quoi ;-)
Pour moi ce dispositif de campagne est une véritable double faute (Technique mais aussi tactique)...
Souvent les décisions politiques sont celles du moindre mal.
Le choix de SR ne pouvait finalement être que celui-là, si elle voulait apparaître comme la candidate du rassemblement et d’abord de celui de son camp (ne pas oublier que DSK et LF représentent tout de même près 40 % des suffrages des primaires). Que n’aurait-on pas entendu de la part de la droite si certains étaient restés à la porte. Par exemple : « comment voulez-vous qu’elle rassemble les Français si elle n’est pas capable de rassembler son camp, etc.
Intégrer DSK et Kouchner permet d’éviter les éventuels fuites ou débauchages par Bayrou dès avant le 1er Tour. Cela diminue fortement l’impact hypermédiatisé du départ de Besson et du ralliement de Spartacus (sic).
Vous évacuez aussi un élément très important : SR a commencé ses meetings, de nombreuses réunions PS ont lieu. L’assistance y est très forte (beaucoup plus qu’en 2002), je peux moi-même en témoigner, ayant vécu le meeting de Rennes. Des vieux renards comme LF et DSK l’ont bien compris, s’ils ne veulent pas se couper définitivement de la base du PS, ils ont tout intérêt à être là.
Une chose m’a d’ailleurs frappé à la fin du meeting, et j’en parle d’autant plus aisément que je ne suis pas au PS, c’est la force, le magnétisme qu’incarne SR. Je garderai longtemps le souvenir de l’image de fin sur un des grands écrans : SR se détachant avec sa petite veste blanche au milieu d’un écrin de notables locaux, le regard radieux et irradiant. L’assistance était scotchée.
Enfin, comme le dit Yann-Artus Bertrand « les troupeaux d’éléphants sont conduits par une femelle ».
Signature du précédent post : armor
Je pense que Ségolène Royal a bien retrouvé son assise populaire (cf le commentaire sur les meeting ... je confirme pour l'autre bout de la France).
La campagne est longue et les priorités actuelles sont sans doute:
- éviter toute discordance interne (cf Besson)
- populariser les mesures du plan et les éléphants restent d'excellents débatteurs et techniciens
- priver Bayrou de "ses premiers ministres" et décrédibiliser son positionement.
Cela me semble y répondre, et
je pense que Ségolène Royal ne changera pas sur le fond le flottement d'avant le 19 février a sans doute achevé de la convaincre du bien fondé de son positionnement.
Je trouve (comme toujours) votre note intéressante. On verra en effet très rapidement, à travers une "forêt de signes" (je m'appelle Charles) si elle réussit à instrumentaliser les éléphants ou si, au contraire, ils en font leur marionette. http://www.charlesgancel.com/?p=319
Il est clair que le positionnement et le vocabulaire de Bayrou est un pari sur cette alternative. Et Sarkozy retrouve son positionnement originel.
La loi du positionnement, chère au marketing, est respectée: lorsque l'un des acteurs change de position, les autres changent aussi.
Ça change fort ou ça charge fort (comme un éléphant :-) ?
Jean-Marie
P.S. Je profite de mon commentaire pour vous poser une question totalement hors sujet : avez-vous déja réagi sur cette info ? J'aimerais connaître votre opinion.
Bonjour,
Je lis toujours avec intérêt vos articles, même si je ne laisse pas toujours de commentaire. Concernant celui-ci il est amusant de noter que vous vous interrogez sur le fait de savoir si ce n'est pas en réintegrant les autres leaders du PS qu'elle a perdu la bataille alors qu'au moins deux commentateurs (armor et erasme)se demandent si, au contraire, ce n'est pas en les réintégrant qu'elle vient de la gagner! Personnellement je serais plutôt sur cette ligne là et je trouve, de toutes les façons, qu'il est impossible 2 mois avant le 1er tour de savoir sur quoi se sera jouée une élection dont la campagne officielle n'a même pas encore débuté.
Bon week-end.
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