Lexique: Les banlieues, c'est la zone !
Agrégé de Lettres classiques, François Bayrou est un véritable amoureux de la langue française, comme nous l’avons expliqué avec Louis-Jean dans Combat pour l’Elysée. Hier soir, j’ai regardé la retransmission de son meeting de Bordeaux sur i-Télé, et il nous a encore fait une belle leçon de langue…
Bayrou n’aime pas les mots qu’on utilise pour parler des banlieues. Le mot banlieue lui-même a une connotation déplaisante, puisqu’il rappelle, dit-il, la mise au ban, l’exclusion. En fait, cette dérive est tardive, parce que justement au Moyen-Age, le ban était l’étendue de la juridiction du suzerain, du seigneur (d’où convoquer le ban et l’arrière-ban). La banlieue c’était, vers les Xe et XIe siècles, l’espace d’une lieue qui entourait une ville dans lequel l’autorité avait juridiction. Ce n’était pas une zone d’exclusion. Ce n’est que plus tard, au XVIè siècle que le mot ban a pris le sens d’exil, de rejet, que l’on a encore dans mettre au ban, bannir.
Le mot zone, nous rappelle-t-il, vient de zônê, «ceinture» en grec, et il a tellement été mis à toutes les sauces bureaucratiques qu’il en est devenu insupportable. Je n’avais encore pas vu de candidat qui nous fasse des citations en grec dans ses discours ! Ca décoiffe (mais on n'était pas sur TF1, là !) Et il enchaîne en rigolant les ZUS, les ZUP, les ZES, les ZIF… Cela rappelle l’extrait assez tordant d’un de ses discours de 2005 que nous citions dans le livre (page 105).
Reste quartier, que Bayrou va utiliser, faute de mieux, sans trop l’aimer non plus. Chirac, lui, dans ses vœux pour 2006, évitait de prononcer le mot banlieues après les événements de l’automne 2005, et parlait de territoires («Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots» disait Jaurès, très à la mode ces temps-ci). L'expression n'avait guère eu de succès.
Dommage, l’extrait qui est sur le site de Bayrou ne contient pas le passage étymologique.
Si quelqu’un l’a enregistré, je suis preneur !
Bref. Le mieux, quand même c’est qu’il n’y en ait plus de banlieues, zones, quartiers ou territoires d’exclus. Bayrou veut en faire sa priorité y réimplanter l’Etat, et les ramener dans la République, et ça c’est une très bonne idée, à mon humble avis.
Bayrou n’aime pas les mots qu’on utilise pour parler des banlieues. Le mot banlieue lui-même a une connotation déplaisante, puisqu’il rappelle, dit-il, la mise au ban, l’exclusion. En fait, cette dérive est tardive, parce que justement au Moyen-Age, le ban était l’étendue de la juridiction du suzerain, du seigneur (d’où convoquer le ban et l’arrière-ban). La banlieue c’était, vers les Xe et XIe siècles, l’espace d’une lieue qui entourait une ville dans lequel l’autorité avait juridiction. Ce n’était pas une zone d’exclusion. Ce n’est que plus tard, au XVIè siècle que le mot ban a pris le sens d’exil, de rejet, que l’on a encore dans mettre au ban, bannir.
Le mot zone, nous rappelle-t-il, vient de zônê, «ceinture» en grec, et il a tellement été mis à toutes les sauces bureaucratiques qu’il en est devenu insupportable. Je n’avais encore pas vu de candidat qui nous fasse des citations en grec dans ses discours ! Ca décoiffe (mais on n'était pas sur TF1, là !) Et il enchaîne en rigolant les ZUS, les ZUP, les ZES, les ZIF… Cela rappelle l’extrait assez tordant d’un de ses discours de 2005 que nous citions dans le livre (page 105).
Reste quartier, que Bayrou va utiliser, faute de mieux, sans trop l’aimer non plus. Chirac, lui, dans ses vœux pour 2006, évitait de prononcer le mot banlieues après les événements de l’automne 2005, et parlait de territoires («Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots» disait Jaurès, très à la mode ces temps-ci). L'expression n'avait guère eu de succès.
Dommage, l’extrait qui est sur le site de Bayrou ne contient pas le passage étymologique.
Si quelqu’un l’a enregistré, je suis preneur !
Bref. Le mieux, quand même c’est qu’il n’y en ait plus de banlieues, zones, quartiers ou territoires d’exclus. Bayrou veut en faire sa priorité y réimplanter l’Etat, et les ramener dans la République, et ça c’est une très bonne idée, à mon humble avis.
6 Commentaires:
En fait il parait que la notion de "banlieue", liée qu'elle est à la notion de "bandit", est aigüe depuis plus longtemps qu'il n'y parait. C'est l'idée politique d'une classe d'homme qui est ET qui n'est pas dans la communauté. L'homme loup du moyen age et on peut remonter bien plus loin. Du moins si j'en crois 'La psychose française, les banlieues : le ban de la République' de Mehdi Belhaj Kacem ( 2006 ) qui reprend à son compte, sans les éclairages juridiques et linguistiques ( sans citation non plus, il me semble) la reflexion d'Agamben dans l'"Etat d'exception" ( 2003 ) autour de son concept d'homme nu (homo sacer) qui justifie donc de "karsheriser" les zones sombres autour de l'homme "habillé" ( le "quisdé" mettons, pour citer cette fois un bon mot de banlieue, apocope de qui-se-déguise ) en prenant des mesures exceptionnelles comme l'état d'urgence. Je livre ça de mémoire, à vérifier. On rigolerait mieux à mon avis si la campagne politique, puisqu'elle ne porte même plus sur des petites phrases mais des petits mots, basculait dans ce genre d'analyses linguistiques bien touffues. On alors justement, ça explique pourquoi les candidats inventent des mots qui n'existe pas ou peu: les équipes en coulisse, ayant tout analysé, craignent que le mot bravoure fasse par exemple surgir le cheval de Bertrand du Guesclin chevauché par Le Pen, ah, ah.
Merci de votre impartialité dans ce débat, Jean. De toute façon, St Germain c'est une banlieue, et le 19è un arrondissement... où sont les difficultés sociales?
Si je peux me permettre un peu de pub : j'aime chez Bayrou son propos réfléchi, et ses mots choisis pour leur justesse plus que leur impact médiatique. Cet homme a une réflexion personnelle et une vraie profondeur intellectuelle. Il me semble qu'on demande à un homme d'Etat d'avoir de la "vision". Comment juger de ce genre de choses, si ce n'est par les mots utilisés?
Merci de votre regard toujours aigu et lucide sur la vie politique et sociale. Personnellement, comme lisette, je préfère les digressions grecques de Bayrou aux "diversions" chinoises de Ségolène. Puisque je lui fais au moins la grâce de penser qu'elle a sciemment lâché ce substantif imaginaire, pour détourner les journalistes des questions plus sérieuses que posait son voyage.
Sarak> Oui, c'est vrai qu'elle avait l'air de rigoler en prononçant ce mot de "bravitude". Mais avez-vous noté que quand Sarko fait une bourde à peu près identique, puisqu'il a employé le mot «héritation» au lieu d'«héritage» au cours une visite dans une entreprise (voir ici), à peu près personne n'en parle... Bizarre, non ?
Après le grec l'allemand. Sauf erreur de ma part, l’étymologie du mot « ban » est germanique. « Banlieue » est le calque exact de « Banmeile ». Le verbe « verbannen » signifie exiler, reléguer, bannir, proscrire.
Juste pour rire en jouant à l'étymologie
BAN :
"Menage derive ce mot de l'Allemand ban, qui signifie proprement publication, & ensuitte proscription, parce qu'elle se faisoit à son de trompe, d'où sont venus les mots de bannir, ban, bannissement, de bandi, de ban, & arriere-ban, banlieuë, banniere, bannal, abandonner, &c. Nicod le derive d'un autre mot Allemand ban, qui signifie champ, & territoire, dautant que c'est en vertu de ce qu'on tient des Fiefs, champs & heritages, qu'on est obligé au ban, & arriere-ban; & que le four à ban est le four du territoire de la Seigneurie. Borel le derive du Grec pan, qui signifie tout, parce que la convocation est generale."
Et :
BANLIEUE
"Ce mot vient du Latin banleuga, ou bannileuga, ou banleugæ. Voyez Menage & Du Cange."
In Furetière (Antoine), "Dictionaire Universel"
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