Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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mardi, novembre 28, 2006

Bayrou: La gifle

Tout le monde se souvient de l'image de François Bayrou donnant une gifle à un gamin qui lui faisait les poches pendant la campagne 2002. Je ne sais pas si vous avez la même perception que moi, mais je n'ai pas souvenir que les médias aient parlé du contexte. C'est dommage.

François Bayrou le raconte dans l'interview qu'il a accordée récemment à Nicolas Voisin (PoliTIC'Show). Vous verrez que l'image prend plus de profondeur de champ quand on restitue les mots qui sont autour.

C'est une histoire qui n'a pas été racontée. On a gardé la gifle mais pas son contexte, alors je le raconte si on a cinq minutes. Ca se passe à Strasbourg... Je suis dans une mairie du quartier avec la maire de Strasbourg, une femme donc, qui est à l'époque une de mes amies, que j'ai contribué à faire élire. On entre dans la mairie de quartier, tout d'un coup les vitres se mettent à voler parce que des pierres sont jetées. Il y a une espèce d'émeute à l'extérieur. Le préfet téléphone en disant : « Vous n'êtes pas en sécurité, vous ne pouvez pas restez là, échappez-vous. » Alors on décide d'évacuer la mairie, toujours sous les vitres qui volent. Les forces de l'ordre sont à deux cent mètres et n'osent pas approcher tant la réputation du quartier est une réputation catastrophique. Et on on part vers les voitures. Tout d'un coup jaillissent du groupe de jeunes qui étaient là --beurs, immigrés, durs-- jaillissent de ce groupe des insultes à l'égard de la maire de Strasbourg. Des insultes sexistes d'une violence telle que je ne peux évidemment pas les répéter devant vous.

Et alors mon sang ne fait qu'un tour, et je me dis : moi vivant ça ne se passera pas comme ça. Donc au lieu de partir dans la voiture, je pars vers le groupe des gens. Je file sur eux. A ce moment-là commence une discussion extrêmement violente, notamment avec le père du gamin qui aura cet accident quelques minutes après, sur le thème islam. Parce que j'avais pris un texte sur le voile islamique qui était l'objet de polémiques intenses sur ce sujet à cette époque. C'est extrêmement violent, extrêmement dur avec plusieurs dizaines de personnes autour de moi --vous regarderez les images-- quand machinalement je passe la main dans mes poches pour voir si j'ai tout à sa place, passeport et carnet et stylo.

Tout d'un coup dans ma poche, sur ma carte bleue, je trouve une main qui était en train de me faire les poches. Et a claque est partie, évidemment plus vite l'éclair parce que je n'ai pas réfléchi. C'était un réflexe. En réalité les gens ont apprécié ça. Parce que c'était un geste non pas de policier, mais un geste de père de famille.
Pourquoi les médias n'ont-ils pas pris le temps de nous raconter la totalité de l'histoire ? Le choc des images serait-il désormais plus important que le poids des mots ? En regardant la télé, j'ai parfois l'impression de lire une BD dont on aurait effacé les bulles...

La transcription intégrale (près de trois heures d'entretien) a été réalisée dans le cadre du projet Parole 2007, que nous avons lancé avec les étudiants de l'université de Provence. Le but est de constituer une archive pour des études futures. Il y aura bientôt d'autres paroles de prétendants à l'Elysée, avec peut-être d'autres petites perles comme celle-ci.

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