Lexique: Colonisation
L'édition de dictionnaires est une activité à hauts risques... Alain Rey le savait, bien évidemment, mais il vient encore d'en faire la cruelle expérience -- une expérience qui risque de coûter cher à la maison Le Robert, qui était pourtant très fière de sa (très belle) édition 2007 (la 40è !) :
Vous avez peut-être lu l'info dans la presse il y a quelques jours (Le Figaro, Le Monde, Libération). La nouvelle édition contient deux définitions qui ont déclenché une violente polémique:
Ces définitions sont les mêmes depuis 1967, mais le CRAN (Conseil représentatif des associations noires: 1, 2) et le MRAP sont montés au créneau, demandant le retrait du Petit Robert 2007, et la mise en place « d’un groupe d’étude pour proposer une définition acceptable par tous, des mots “coloniser” et “colonisation” », selon les termes de Patrick Lozès, président du CRAN, qui appelle aussi au boycott du dictionnaire.
Il y a quelques mois, le Nouveau Littré des éditions Garnier a été retiré et passé au pilon à la suite d'une protestation du MRAP. Il faut dire qu'on y trouvait des perles du type:
Ces épisodes coûtent cher aux maisons d'édition, mais ils ne sont pas tous de même nature. Dans le cas du Petit Larousse 1960, il semblerait que l'erreur soit due à une malveillance d'un employé licencié (c'est ce qu'en dit Jean Pruvost, dans un livre dont j'ai déjà parlé, "La dent-de-lion, la Semeuse et le Petit Larousse").
Il n'y avait pas photo: la biographie était diffamatoire, la justice est passée, l'ouvrage a été retiré. Ce serait, je crois, le cas pour n'importe quel livre -- sauf qu'étant donné le tirage du Petit Larousse ce fut une catastrophe financière pour l'éditeur.
Dans le cas du Nouveau Littré, la situation est plus compliquée. Le dictionnaire reprend le Petit Littré de 1874, un abrégé du Dictionnaire de la langue française auquel Emile Littré a travaillé à partir de 1844. Autant dire que le monde a quelque peu changé depuis le milieu du XIXè siècle... L'idée de la maison Garnier était de compléter le Petit Littré, en gardant les mots et sens anciens, et en les complétant par des définitions ou des mots nouveaux. Pourquoi pas? On aurait ainsi une image du "trésor lexical" du français "constitué depuis le XVè siècle", comme le dit l'avant-propos, ce qui peut être utile si l'on étudie la littérature (bien des mots ou sens présents dans Bossuet, Molière, Dumas ou Hugo ont des chances de ne pas se trouver dans les dictionnaires modernes).
Personne n'avait protesté contre le Littré lui-même qui est régulièrement réédité, qui hante les logiciels de traitement de texte, et qui est librement disponible sur Internet. Je présume que lorsqu'on acquiert un dictionnaire ancien, on s'attend à trouver un certain nombre de mots qui n'ont plus cours, et de définitions qui reflètent l'esprit (regrettable parfois) d'une époque. Je n'ai jamais entendu dire qu'Emile Littré ait été particulièrement raciste ou antisémite. Rien à voir avec un Léon Daudet. Il a probablement repris sans se poser assez de questions les définitions des dictionnaires antérieurs (voir une étude détaillée du mot juif dans les dictionnaires à l'Université de Toronto), et les stéréotypes qui imprégnaient hélas la société de la fin du XIXè siècle, comme celle des siècles précédents (nous avons tous en tête, je présume, la réplique de Cléante dans l'Avare de Molière : -- Comment diable ! Quel Juif, quel Arabe est-ce là ?).
Il aurait suffit de peu à Emile Littré pour rendre ces définitions plus "correctes" (mais le politiquement correct en la matière est un anachronisme). Il ne s'agissait pas de supprimer les sens péjoratifs (sinon la réplique de Cléante devient incompréhensible): le dictionnaire n'est pas un censeur de l'usage, mais un simple observatoire. Il aurait suffit d'ajouter De façon très péjorative ou bien Par dénigrement (une formule utilisée par exemple dans l'édition de 1922 du Grand Larousse Universel qui traîne sur mes étagères).
Près d'un siècle et demi plus tard, la lecture de ce genre de définition est bien plus détestable, et sa présence sans avertissement particulier dans un dictionnaire de grande diffusion destiné à un public de collégiens et de lycéens est très regrettable. Il n'y a bien entendu pas le moindre soupçon de racisme ou d'antisémitime chez mes collègues Claude Blum et Jean Pruvost, qui ont dirigé l'entreprise du Nouveau Littré. L'éditeur nous dit qu'un symbole qui devait séparer les nouvelles définitions des anciennes a sauté à cause d'un bug informatique. L'erreur est réparée dans l'édition 2006: les couches géologiques sont nettement séparées et l'avant-propos explique les choses de façon plus claire.
En ce qui concerne le Petit Robert, pas le moindre soupçon ne plane non plus sur Alain Rey, pour qui j'ai la plus grande estime, mais il y a de la maladresse là aussi. C'est un peu comme si les maisons de lexicographie n'avaient pas vraiment encore réalisé que les mots sont à manipuler avec précaution et que ce qu'elles publient peut s'apparenter à de la dynamite. Je comprends l'agacement d'Alain Rey, qui fustige «l’inculture économique que ces attaques manifestent». Il ajoute: «Il faudrait avant tout que [les associations] ouvrent le Petit Robert à l’entrée "valeur". C’est un terme qui relève de la sphère financière, qui n’a en soi pas de connotation positive ou négative.» (Libération). Il a sans doute raison sur l'inculture économique, mais il n'en demeure pas moins que pour la plupart des gens "mettre en valeur" c'est améliorer, et c'est justement là tout l'objet du débat actuel concernant la colonisation. On ne peut pas attendre d'un produit de grande consommation, vendu en supermarché entre les lessives et les salades, qu'il soit lu uniquement par des savants et des économistes. Bien au contraire, il est probablement utilisé par des collégiens et lycéens qui n'ont pas le recul et la capacité d'analyse que demande Alain Rey.
Le lexicographe n'a pas à prendre part dans le débat (complexe) sur la colonisation. Ce n'est pas son rôle. Mais il ne peut non plus faire comme si le débat n'existait pas. Il doit enregistrer l'usage, et son évolution, mettre en garde le cas échéant lorsqu'il s'aperçoit qu'un débat existe. Sinon, quelle est la justification (autre que financière) pour proposer des éditions annuelles révisées? La définition de colonisation était dans le Robert depuis 40 ans. Je crois que l'hypothèse la plus simple est qu'elle est passée dans les mailles du filet et que personne n'a pensé à la revoir.
La notion de "mise en valeur" n'est pas indispensable à la définition de colonisation, et d'autres dictionnaires s'en sortent très bien. Le Petit Larousse (2006) propose ainsi (à travers un jeu de piste habituel aux dictionnaires):
En tout cas, il faut que les maisons d'édition prennent les devants, et proposent des solutions politiquement intelligentes, avant qu'elles soient forcées en catastrophe à des solutions "politiquement correctes" par des groupes de pression divers et variés, qui transformeraient leur dictionnaires en bouillie pour chats intellectuelle (il suffit d'observer les fonctions linguistiques de quelques logiciels de traitement de texte actuellement sur le marché pour avoir une idée de ce que cela peut donner...).
Vous avez peut-être lu l'info dans la presse il y a quelques jours (Le Figaro, Le Monde, Libération). La nouvelle édition contient deux définitions qui ont déclenché une violente polémique:
«COLONISATION. 1: Le fait de peupler de colons, de transformer en colonie. La colonisation de l'Amérique, puis de l'Afrique, par l'Europe. 2 : Mise en valeur, exploitation des pays devenus colonies.
COLONISER. 1: Peupler de colons. 2: Faire de (un pays) une colonie. Coloniser un pays pour le mettre en valeur, en exploiter les richesses.»
Ces définitions sont les mêmes depuis 1967, mais le CRAN (Conseil représentatif des associations noires: 1, 2) et le MRAP sont montés au créneau, demandant le retrait du Petit Robert 2007, et la mise en place « d’un groupe d’étude pour proposer une définition acceptable par tous, des mots “coloniser” et “colonisation” », selon les termes de Patrick Lozès, président du CRAN, qui appelle aussi au boycott du dictionnaire.
Il y a quelques mois, le Nouveau Littré des éditions Garnier a été retiré et passé au pilon à la suite d'une protestation du MRAP. Il faut dire qu'on y trouvait des perles du type:
Juif, ive s. m. et s. f [...] Etre riche comme un juif, être fort riche. Fig. et famil. Celui qui prête à usure ou qui vend exorbitamment cher, et en général quiconque cherche à gagner de l'argent avec âpreté. » ;Les heurs et malheurs des dictionnaires ne datent pas d'aujourd'hui. En septembre 1959, la justice mettait sous séquestre le Petit Larousse 1960, qui donnait la biographie erronée suivante:
Arabe n. m. Qui est originaire d'Arabie. Fig. Usurier, homme avide. [...]
Blum (Léon Karfulkenstein, dit Léon). Homme politique français [...]reprenant ainsi, des dizaines d'années après, une campagne antisémite montée par le journal Gringoire contre Blum. Au pilon. Coût pour la maison Larousse: 590 millions de francs de l'époque.
Ces épisodes coûtent cher aux maisons d'édition, mais ils ne sont pas tous de même nature. Dans le cas du Petit Larousse 1960, il semblerait que l'erreur soit due à une malveillance d'un employé licencié (c'est ce qu'en dit Jean Pruvost, dans un livre dont j'ai déjà parlé, "La dent-de-lion, la Semeuse et le Petit Larousse").
Il n'y avait pas photo: la biographie était diffamatoire, la justice est passée, l'ouvrage a été retiré. Ce serait, je crois, le cas pour n'importe quel livre -- sauf qu'étant donné le tirage du Petit Larousse ce fut une catastrophe financière pour l'éditeur.
Dans le cas du Nouveau Littré, la situation est plus compliquée. Le dictionnaire reprend le Petit Littré de 1874, un abrégé du Dictionnaire de la langue française auquel Emile Littré a travaillé à partir de 1844. Autant dire que le monde a quelque peu changé depuis le milieu du XIXè siècle... L'idée de la maison Garnier était de compléter le Petit Littré, en gardant les mots et sens anciens, et en les complétant par des définitions ou des mots nouveaux. Pourquoi pas? On aurait ainsi une image du "trésor lexical" du français "constitué depuis le XVè siècle", comme le dit l'avant-propos, ce qui peut être utile si l'on étudie la littérature (bien des mots ou sens présents dans Bossuet, Molière, Dumas ou Hugo ont des chances de ne pas se trouver dans les dictionnaires modernes).
Personne n'avait protesté contre le Littré lui-même qui est régulièrement réédité, qui hante les logiciels de traitement de texte, et qui est librement disponible sur Internet. Je présume que lorsqu'on acquiert un dictionnaire ancien, on s'attend à trouver un certain nombre de mots qui n'ont plus cours, et de définitions qui reflètent l'esprit (regrettable parfois) d'une époque. Je n'ai jamais entendu dire qu'Emile Littré ait été particulièrement raciste ou antisémite. Rien à voir avec un Léon Daudet. Il a probablement repris sans se poser assez de questions les définitions des dictionnaires antérieurs (voir une étude détaillée du mot juif dans les dictionnaires à l'Université de Toronto), et les stéréotypes qui imprégnaient hélas la société de la fin du XIXè siècle, comme celle des siècles précédents (nous avons tous en tête, je présume, la réplique de Cléante dans l'Avare de Molière : -- Comment diable ! Quel Juif, quel Arabe est-ce là ?).
Il aurait suffit de peu à Emile Littré pour rendre ces définitions plus "correctes" (mais le politiquement correct en la matière est un anachronisme). Il ne s'agissait pas de supprimer les sens péjoratifs (sinon la réplique de Cléante devient incompréhensible): le dictionnaire n'est pas un censeur de l'usage, mais un simple observatoire. Il aurait suffit d'ajouter De façon très péjorative ou bien Par dénigrement (une formule utilisée par exemple dans l'édition de 1922 du Grand Larousse Universel qui traîne sur mes étagères).
Près d'un siècle et demi plus tard, la lecture de ce genre de définition est bien plus détestable, et sa présence sans avertissement particulier dans un dictionnaire de grande diffusion destiné à un public de collégiens et de lycéens est très regrettable. Il n'y a bien entendu pas le moindre soupçon de racisme ou d'antisémitime chez mes collègues Claude Blum et Jean Pruvost, qui ont dirigé l'entreprise du Nouveau Littré. L'éditeur nous dit qu'un symbole qui devait séparer les nouvelles définitions des anciennes a sauté à cause d'un bug informatique. L'erreur est réparée dans l'édition 2006: les couches géologiques sont nettement séparées et l'avant-propos explique les choses de façon plus claire.
En ce qui concerne le Petit Robert, pas le moindre soupçon ne plane non plus sur Alain Rey, pour qui j'ai la plus grande estime, mais il y a de la maladresse là aussi. C'est un peu comme si les maisons de lexicographie n'avaient pas vraiment encore réalisé que les mots sont à manipuler avec précaution et que ce qu'elles publient peut s'apparenter à de la dynamite. Je comprends l'agacement d'Alain Rey, qui fustige «l’inculture économique que ces attaques manifestent». Il ajoute: «Il faudrait avant tout que [les associations] ouvrent le Petit Robert à l’entrée "valeur". C’est un terme qui relève de la sphère financière, qui n’a en soi pas de connotation positive ou négative.» (Libération). Il a sans doute raison sur l'inculture économique, mais il n'en demeure pas moins que pour la plupart des gens "mettre en valeur" c'est améliorer, et c'est justement là tout l'objet du débat actuel concernant la colonisation. On ne peut pas attendre d'un produit de grande consommation, vendu en supermarché entre les lessives et les salades, qu'il soit lu uniquement par des savants et des économistes. Bien au contraire, il est probablement utilisé par des collégiens et lycéens qui n'ont pas le recul et la capacité d'analyse que demande Alain Rey.
Le lexicographe n'a pas à prendre part dans le débat (complexe) sur la colonisation. Ce n'est pas son rôle. Mais il ne peut non plus faire comme si le débat n'existait pas. Il doit enregistrer l'usage, et son évolution, mettre en garde le cas échéant lorsqu'il s'aperçoit qu'un débat existe. Sinon, quelle est la justification (autre que financière) pour proposer des éditions annuelles révisées? La définition de colonisation était dans le Robert depuis 40 ans. Je crois que l'hypothèse la plus simple est qu'elle est passée dans les mailles du filet et que personne n'a pensé à la revoir.
La notion de "mise en valeur" n'est pas indispensable à la définition de colonisation, et d'autres dictionnaires s'en sortent très bien. Le Petit Larousse (2006) propose ainsi (à travers un jeu de piste habituel aux dictionnaires):
Colonisation Action de coloniserCa me paraît moins sujet à polémique. Rien n'interdirait non plus (sauf la frilosité des maisons d'édition) d'insérer des notes d'actualité dans certaines entrées, prévenant que tel mot ou tel usage fait l'objet d'un débat (c'est ce que fait par exemple Wikipedia). Il n'est pas inconcevable enfin que les lexicographes fassent appel à des groupes d'experts, composés de citoyens, de politiques, de représentants d'associations, pour les aider dans leur tâche. Ils le font bien avec des scientifiques pour les termes de biologie, de médecine ou de chimie.
Coloniser 1. Transformer un pays en colonie 2. Peupler de colons
Colonie 1. Territoire occupé et administré par une nation étrangère, et dont il dépend sur les plans politique, économique, culturel, etc. [...]
En tout cas, il faut que les maisons d'édition prennent les devants, et proposent des solutions politiquement intelligentes, avant qu'elles soient forcées en catastrophe à des solutions "politiquement correctes" par des groupes de pression divers et variés, qui transformeraient leur dictionnaires en bouillie pour chats intellectuelle (il suffit d'observer les fonctions linguistiques de quelques logiciels de traitement de texte actuellement sur le marché pour avoir une idée de ce que cela peut donner...).
33 Commentaires:
Bonjour Jean,
Encore une fois très intéressant - juste pour signaler qu'il vous manque un "http://" dans le lien vers la notice wikipedia de l'excellent Alain Rey
Les définitions incriminées ne sont certes pas terribles, mais de là à demander le retrait du dico. Le CRAN et le MRAP sont quand même un peu ridicules avec leur exigence. On peut bien attendre la prochaine édition pour une mise à jour.
Par ailleurs le MRAP et le CRAN demandent une définition exclusivement négative de ces mots, oubliant au passage les colonisations d'espaces vides, planètes...
Or la définition du Robert a l'avantage d'englober tout ça, car un "pays" n'est pas forcement peuplé, mais peut ne désigner qu'un endroit géographiquement.
Je crois que la définition du Robert est au plus maladroite mais certainement pas fausse.
En fait il suffirait d'enlever le "mettre en valeur" pour qu'elle soit parfaite, ça n'ajoute rien à "exploiter les richesses" et c'est ambigu.
On peut aussi s'amuser à consulter le Grand Robert aux entrées concernant la question des genres (au sens de « gender studies »). Ce sont les exemples, plus que les définitions, qui sont édifiants. Ou bien, aussi, le fait qu'homosexualiser et homosexualisant sont inclus mais pas hétérosexualiser.
Avez vous envisagé un seul instant, ce que seront les réactions d'Escherichia coli (une amibe de nos amies) quand elle s'apercevra qu'elle consacre la plupart de son temps à coloniser notre gros côlon. Alors que depuis des temps immémoriaux elle croyait le mettre en valeur.
Un peu d'huile sur le feu, concernant le Larousse 2006:
"Colonie 1. Territoire occupé et administré par une nation étrangère, et dont il dépend sur les plans politique, économique, culturel, etc.
J'ai des doutes quant à la dépendance économique (et culturelle)...
Et que dire des définitions du "Trésor de la Langue Française informatisé":
COLONIALISME:Péj. Doctrine politique qui prône l'exploitation par la métropole des territoires sous-développés qu'elle a pris en charge à son seul profit ou au profit unique des éléments métropolitains installés sur ces territoires.
COLONIE: (Par métonymie) Territoire étranger placé sous la dépendance politique d'une métropole qui a assumé la tâche de le mettre en valeur et d'en civiliser les habitants.
COLONISATION: [En parlant de l'action de pers.] Occupation, exploitation, mise en tutelle d'un territoire sous-développé et sous-peuplé par les ressortissants d'une métropole.
COLONISER: A. Rendre dépendant d'une métropole un territoire en le peuplant de colons.
(Par extension) Occuper, peupler, exploiter un territoire étranger.
Que dire, sinon que les définitions du dictionnaire sont avant tout marquées historiquement: le dictionnaire rend compte de l'usage qui est fait des mots, mais il n'est pas censé prendre parti.
Mke> Merci!
Un Prof> "De là à demander le retrait du dico" : oui, c'est un peu exagéré. Et à exagérer, on risque d'obtenir l'effet inverse de l'effet escompté...
Je suis bien d'accord sur le fait que peu de choses suffiraient à rendre la définition acceptable par (presque) tout le monde. Dans l'édition 2008, sans doute?
On doit pouvoir trouver toute sorte de dictionnaire dans de bien belles bibliothèques, non ?
de Chez Luc.
Reste que j'adhère complétement au dernier paragraphe de ragnvald. Le fait est que si l'histoire n'est que des faits, l'Histoire, elle, est subjective. Difficile travail que celui de rédacteur de dictionnaire...
Concernant le Nouveau Littré, j'ai l'impression que l'éditeur a un peu cherché à se faire battre.
Le Littré est bien sûr une référence exceptionnelle, d'une très grande utilité et source potentielle de bien d'amusements, mais il tire l'essentiel de son intérêt de la photographie du lexique (et de l'esprit) de l'époque.
Déjà, l'idée d'un Littré abrégé me paraît saugrenue, mais un Littré remis à jour me semble carrément ridicule.
J'avoue ne pas connaître l'ouvrage, mais la motivation la plus plausible me semble être la possibilité d'éditer un ouvrage "au goût du jour" à peu de frais, en profitant de la grande quantité de matériel passé dans le domaine public.
Le coup du bug informatique ayant effacé les traces de sédimentation ne serait-il pas qu'une tentative de justification a posteriori ?
Vincent> Oui, les définitions concernant les hommes, femmes et la sexualité sont très intéressantes à suivre du point de vue historique! Par exemple, le TLF, pas si vieux que ça (années 70 pour la lettre H, je crois), nous dit pour "homosexuel": "Employé le plus souvent avec une nuance péj. liée à des normes sociales ou morales". Je ne crois pas que le terme soit encore péjoratif de nos jours (et tant mieux).
Claude> Bien vu! Mais la différence avec Escherichia coli, c'est que tout le monde a fini par y trouver son compte et que nous vivons en symbiose avec cette gentille petite bactérie. Dans le cas du colonialisme, ça s'est moins bien fini. Et quand je dis fini... Je crois que ça ne l'est toujours pas.
Ragnvald> Le dictionnaire est marqué historiquement -- Vous avez complètement raison. Cela a toujours été. Le TLF illustre fort bien un parti inverse: années 65-70 (sans doute pour la lette C), rédacteurs du CNRS plutôt à gauche...
La différence majeure depuis la vogue du "politiquement correct" c'est que les groupes de pression ont les moyens de couler une maison d'édition.
C'est un cas d'autant plus exemplaire qu'il concerne quelqu'un de particulièrement averti en la matière.
Alain Rey écrivait ainsi dans la préface à l'édition de 1998 du Petit Robert des noms propres: "Les choix sociaux et culturels, l'établissement de critères reconnus par ceux mêmes qu'ils défavorisent, dépendent de facteurs complexes et reflètent des rapports de force que les théoriciens de la société s'efforcent d'étudier. Pour être extrêment générale, cette situation, souvent vécue dans l'inconscience absolue, méritait d'être notée."
Voilà qui fleure bon le Bourdieu: les mots font aussi parti des luttes sociales et le lexicographe n'y échappe pas.
Petit élément de comparaison défintion tiré et traduite par mois de l'encyclopédie anglaise Harrap's chambers
Colonialisme : politique d'acquisition de colonies, particulièrement comme une source de profit.
Une fois de plus on oublie les termes "particulièrement violent". Ces problèmes de définitions et de sémantique relèvent de scotomisations diverses. La colonisation a été largement cachée aux peuples qui colonisaient parfois sans le savoir, le but aujourd'hui est de continuer sur cette lancée. Il était temps de faire face, même si on peut ne pas être d'accord sur l'endroit d'où il sort l'abcès est là. Le peu d'efforts que cela demandait aux éditeurs de dictionnaire, qui sous des airs d'objectivité et de concisions donnent une version dénuée de tout sens concret, pose des questions sur leurs réactions. C'est le retour du boomerang.
J'ai encore quelques "peut-être" à rajouter, qui me sont venus à la lecture des commentaires.
1) J'imagine qu'il pourrait être intéressant de suivre au cours du temps l'évolution ou la stabilité de certaines définitions, dans les diverses éditions du Petit larousse, par exemple.
Non pas pour "juger", mais pour voir quelle pouvait être la "doxa" selon les époques et le contexte politique.
2) La contestation de certaines définitions qui se fait jour est peut-être l'aube timide d'une appropriation par "nous-mêmes" du regard que notre époque projette sur notre monde. C'était une tradition de la vieille Chine que le "zheng ming", la "rectification des noms": la définition que l'on donne d'un mot est idéologique. Et dynamique: elle pourrait même avoir, dans certains cas, valeur de prédiction créatrice. Le dictionnaire est peut-être en train de devenir le lieu d'un débat politique. Si c'est le cas, le dictionnaire sera amené à révolutionner sa forme, à s'historiciser et se relativiser. Ça risque de ruer dans les brancards de l'autorité!
1 - Ben oui, les recherches sur les évolutions des termes sont déjà prise en compte dans les sciences sociales qui ont un rapport au terrain. Benveniste par ex.
2 - Je pense aussi qu'il y a une dimension de reflet des conflits idéologiques et moraux de notre époque. Mais il est évident que celui-ci se base sur l'occultation du fait coloniale et rejoint le problème de la stigmatisation et du racisme en France. Ce qui redouble sa dimension crritique.
Il faut quand même que ce soit des noirs qui s'attaquent à ce problème alors que ce n'est pas un problème de minorité au contraire. On tend vers le communautarisme.
Pour le Nouveau Littré, cela ne concerne pas la première édition, mais celle qui a été mise en vente par Maxi-Livres sous licence six mois après la première. C'est un problème fréquent dans le cas des éditions clubs comme ici (autre système informatique, autre imprimeur et pas de correcteur).
Je pense surtout qu'on a à nouveau affaire à la mise en exergue d'un fait banal dans le contexte d'une paranoïa visant à accroître les tensions entre cultures. D'accord le Robert aurait pu en 40 ans modifier cette définition(quoique qu'elle n'est choquante qu'en raison de la notion positive associé au terme "mettre en valeur") mais cependant pourquoi de tels mouvements de protestation apparaissent ajourd'hui en 2006 et pas 2005 ou 2004. Regarder le contexte social actuel et la montée des extrêmismes c'est y répondre. Et je trouve idiot, voir honteux, de faire le jeu de ces derniers en médiatisant leurs actions(dans la presse cela s'entend, je ne remet aucunement en question cet excellent blog^^)...
J'apprécie le plus souvent vos articles mais j'ai le regret de dire que vous vous faîtes ici l'écho d'une querelle sans intérêt - si ce n'est qu'elle montre à quel point la méfiance et la mauvaise foi séparent aujourd'hui les différentes communautés qui forment notre pays.
En comparant la définition du Robert, qui est inoffensive et ne s'oppose pas aux textes de la loi française, à des définitions franchement racistes, vous ne faîtes que donner plus importance à cette affaire tout à fait ridicule. Elle serait passée inaperçue sans la boulette récente du gouvernement et son malheureux article 4 de la loi 23 février 2005 : "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".
Mais le terme colonisation ne s'applique pas exclusivement à l'Afrique du XIXème et du XXème, il me semble. Il a existé des colonies grecques, romaines ou phéniciennes. Je pense aussi que les Mhongs qui cultivent aujourd'hui des carrés de légumes en Guyane et "mettent en valeur" quelques recoins perdus de la jungle ne sont rien d'autre que des colons.
Je trouve donc la susceptibilité et l'égocentrisme de certaines associations bien pointilleuse. Le Robert a parfaitement le droit de publier cet article. Demander son boycott, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, est aussi un droit. Le censurer par contre serait une violation de la liberté d'expression.
Vicnent> Superbe livre (sur les bibliothèques), merci!
A propos de dictionnaire, quelqu'un peut-il me confirmer s'il est exact qu'une édition annuelle du Petit Larousse avait été retirée de la vente... parce qu'elle avait malencontreusement classé l'amanite phaloïde parmi les champignons comestibles ?
Et si oui, en quelle année ?
Merci d'avance !
Pour le Petit Larousse, l'information est exacte : il s'agissait d'une erreur dans les grandes planches. C'est l'édition 1991, 180 000 exemplaires ont été retirés de la vente en août 1990 (donc dès parution).
Neville, Dominique> Oui, c'est tout à fait vrai. 1991. Je me suis précipité pour l'acheter, à l'époque. C'est un vrai "collector"! Inversion des couleurs entre les puces désignant les comestibles et les vénéneux... Larousse a diligenté une armée de vacataires dans les librairies et supermarchés pour coller des pastilles de rectification dans les exemplaires déjà en rayon et le reste est parti au pilon. Mon ami Jean Pruvost raconte l'histoire dans le bouquin que je cite ci-dessus.
Entièrement d'accord avec dado. Il n'y a pas une colonisation (sous entendue européenne en générale, voir uniquement française) mais des colonisations. Toutes aussi diverses dans leurs horreurs que dans leur influences sur les échanges culturels ou économiques. (attention qui dit "échange" ne dit pas "égalité" ou "équilibre"). Quel peuple n’a pas été à un moment ou un autre colonisateur ?
On parle de l'occultation du fait colonial ? Je ne trouve pas. Ou alors c'est tellement occulté qu'on en parle tout le temps.
Non ce qui est occulté ce sont de vraies horreurs comme le 1000000000 de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable, les milliers d'enfants qui meurent chaque jours faute de soins, les guerres actuelles dont tout le monde semble se fout surtout en Afrique, Tchétchénie, Cachemire, Tibet car les US ne sont pas concernés (normal y’a pas de pétrole).
Mais non on préfère se regarder le nombril et s'attaquer à des choses vraiment importante comme les définitions des dico. Ainsi on s'enfonce dans un phénomène de victimisation/culpabilisation non seulement stérile (ce n'est pas en changeant un définition que les jeunes trouveront un boulot) mais nuisible même à la société car elle la sécularise.
Comme voulez vous qu'une nation intègre ses propres enfants si elle passe son temps à se mortifier.
Oui la France a colonisé, oui elle a fait des guerres. Oui c'est moche. Mais ce qui est fait est fait. La France aussi d’extraordinaire valeurs qu’elle doit défendre avec force : les droits de l’homme, la laïcité, un certain soucis d’indépendance politique et économique (esprit gaullien certes souvent critiqué mais on y coupe pas), une langue riche multiculturelle (francophonie)
Sur ces bonnes bases : si on parlait d'avenir maintenant ?
Je suis curieuse de savoir quelle est la nouvelle définition pour le verbe réformer et ses dérivés... Je crois que là encore je vais m'irriter !
Bonjour,
Il y a d'autres mots qui peuvent porter à s'indigner, mais il est vrai que l'on peut rire de certains, mais pas de tout. Allez voir par exemple gascon... Et puis, il manque toujours la première définition de colonie, celle des romains.
A RELIRE EN COMPLEMENT A VOTRE ARTICLE LES DEUX LIVRES SUIVANTS:
-LA LOGIQUE DES NOMS PROPRES DE SAUL KRIPKE EDITIONS DE MINUIT
- LE MOT ET LA CHOSE DE WILLIAM QUINE EDITIONS FLAMMARION
CORDIALEMENT UN VISITEUR REGULIER DE VOTRE BLOG QUE JE TROUVE TRES UTILE POUR COMPRENDRE LES ENJEUX DE LA SOCIETE DE L'INFORMATION.
Bonjour,
Au sujet de la définition dans le petit robert, elle me semble simplement subtile et finalemment pas mal du tout. Le problème c'est qu'aujourd'hui, nous avons une vision biaisé du terme "mise en valeur".
Dans le même dictionnaire, au mot "valeur", ça commence à devenir intéressant...
"En tout cas, il faut que les maisons d'édition prennent les devants, et proposent des solutions politiquement intelligentes, avec qu'elles soient forcées en catastrophe à des solutions "politiquement correctes" par des groupes de pression divers et variés"
Je suppose que vous voulez dire "avant qu'elles soient forcées".
Mopt> Oui, bien sûr! merci.
Cit. : [..."La notion de "mise en valeur" n'est pas indispensable à la définition de colonisation, et d'autres dictionnaires s'en sortent très bien. Le Petit Larousse (2006) propose ainsi (à travers un jeu de piste habituel aux dictionnaires):
Colonisation Action de coloniser
Coloniser 1. Transformer un pays en colonie 2. Peupler de colons
Colonie 1. Territoire occupé et administré par une nation étrangère, et dont il dépend sur les plans politique, économique, culturel, etc. [...]...]"
Selon vous, "administrer" serait moins laudateur que "mettre en valeur" ?
Compte tenu de la connotation extrêmement positive dont le verbe "administrer" bénéficie en France ("le maire administre sa commune",etc...) j'en doute fortement.
Au pays de Colbert, "administrer" c'est finalement "mettre en valeur" au bénéfice des...administrés.
Reste "occuper", pour rassurer les lecteurs les plus sourcilleux...le politiquement correct est sauf !
Relevons également le mot "nation", à la place duquel "puissance" aurait été plus juste, à mon humble avis.
Sans revenir sur l'argumentaire "pro-colonial", je rappelle pour mémoire les ex-colonies Soviétiques : Pologne, Hongrie, RDA, Tchécoslovaquie,etc...qui répondaient parfaitement à la définition du Petit Larousse, leur gouvernement pseudo national n'étant que l'émanation locale de la direction impériale Soviétique, y compris dans les méthodes "d'administration" !
Citation:
Il y a quelques mois, le Nouveau Littré des éditions Garnier a été retiré et passé au pilon à la suite d'une protestation du MRAP. Il faut dire qu'on y trouvait des perles du type:
Juif, ive s. m. et s. f [...] Etre riche comme un juif, être fort riche. Fig. et famil. Celui qui prête à usure ou qui vend exorbitamment cher, et en général quiconque cherche à gagner de l'argent avec âpreté. » ;
Arabe n. m. Qui est originaire d'Arabie. Fig. Usurier, homme avide. [...]
Réponse (s)
Et alors ??? !!! Ces définitions sont d'autant plus justes qu'elle sont celles d'un langage courant. Les virer du dico changera que dalle ! Mais l'idée même contenue dans la définition, c'est peut-être çà qu'il faut condamner, certes. Alors arrêter de nous emmerder avec ce type de conneries. Sachez que madame ma Mère est tzigane et que son séjour à Auschwitz passait d'abord par le Vél d'hiv. Et si je demandais le retrait, dans les dicos, de tout ce qui se rapporte au tour de France ?
Enregistrer un commentaire