Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


Se connecter à moi sur LinkedIn Me suivre sur Twitter Facebook RSS

vendredi, avril 15, 2005

Lexique: Otages


Cent jours.

Florence et Hussein
Ecrivons pour eux.
Pour que leurs visages ne s'évanouissent pas dans l'oubli.


*
* *

Cruelle ironie des mots... L'otage c'était celui que l'on reçoit ; "prendre en otage" c'était accueillir en sa demeure. Hôte, hospitalité, hôtel, hôpital, hospice : la plupart des autres mots de la famille sont restés accueillants. Mais celui-là a mal tourné. La première apparition qu'on lui connaisse, c'est dans la "Laisse" (ou strophe) III de la Chanson de Roland autour de l'an mil, comme en témoigne ce magnifique manuscrit, conservé à la Bodleian Library d'Oxford (une de celles que Google veut numériser bien que je n'aie pas entendu dire que les manuscrits anciens soient concernés !) :

manuscrit d'oxford

Le mot commençait à avoir une autre signification, celle de gens que l'on envoie volontairement chez ses adversaires pour garantir un accord, un traité... Des cautions vivantes, en quelque sorte :

S'en volt ostages, e vos l'en enveiez,
U dis u vint pur lui afiancer.
Enveiu[n]s i les filz de noz muillers


S'il [Charles] veut des otages, vous lui en envoyez,
Ou dix, ou vingt, pour le mettre en confiance.
Envoyons-y les fils de nos femmes.


Et puis le mot s'est mis à prendre le tour encore plus lugubre qu'on lui connaît. Par un curieux chassé-croisé étymologique, il s'est mis à se rapprocher du mot ôter, qui n'avait pourtant historiquement rien à voir. On pourrait hélas désormais proposer la définition suivante à Google :

otage. n. Personne innocente que l'on ôte injustement aux siens. Prendre quelqu'un en otage : crime contre l'humanité.

On pourra ôter des innocents à leurs familles et à leurs amis, mais on ne nous ôtera ni la mémoire, ni la parole.

2 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Il est en effet très significatif que la contrepartie qu'implique le mot otage est consciencieusement occultée dans cette affaire : il est très rare d'entendre parler des objectifs et intérêts des ravisseurs (rançon ? médiatisation ?). L'otage n'est plus une monnaie d'échange, un moyen de pression, bref un objet matérialiste et politique, mais un nouveau martyr : un objet religieux. Je ne pense pas que ce changement de sens va durer, il me semble n'être que circonstanciel, mais ses conséquences seront importantes.

Comparer : http://laminutedusablier.free.fr/telegramme0000030.html et http://www.pourflorenceethussein.org/temoignages/contributions/7000/index.shtml puis lire http://www.hautetfort.com/chictype/billets/39720/.

16 avril, 2005 10:47  
Anonymous Anonyme a écrit...

Correction dernier lien : http://chictype.hautetfort.com/archive/2005/02/01/florence_aubenas.html

16 avril, 2005 11:00  

Enregistrer un commentaire