Texte: La mort des brouillons ?
Les brouillons des grands écrivains sont de véritables trésors, comme l'a montré la magnifique exposition de la BNF "Brouillons d'écrivains" (elle est toujours en ligne, profitez-en !). Chaque manuscrit porte la trace de la lente gestation de l'oeuvre, les essais, les détours, les doutes, les regrets... Les brouillons nous éclairent parfois d'une façon irremplaçable sur la signification du texte ou l'intention de l'auteur, et constituent parfois des chefs-d'oeuvres artistiques en eux-mêmes.
Jean-Louis Lebrave, chercheur à l'ITEM (Institut des Textes et Manuscrits modernes), s'inquiète de la disparition des brouillons avec la généralisation du traitement de texte. Dans quelques décennies, rien ne restera probablement de l'élaboration des chefs-d'oeuvre qui sont en train de naître... Quel écrivain, quel éditeur, garderont les différentes versions de leurs écrits pour la postérité ? L'informatique permet de livrer un produit fini, poli, parfait. Pourquoi garder des strates géologiques imparfaites, sales -- et peut-être bien embarrassantes ?
Un billet de Martin Lessard sur Zéro Seconde, a récemment retenu mon attention. Martin compare les wikis (l'encyclopédie Wikipedia par exemple) avec les palimpsestes du Moyen-Age. Les moines grattaient les parchemins, matériaux coûteux, pour y écrire à nouveau un autre texte :
Mais il y a une différence de taille : les moines essayaient de laver le parchemin de toute trace antérieure. RAZ, reset, comme on dirait de nos jours. Ils ne corrigeaient pas, ils écrivaient autre chose. Le parchemin moderne, la peau d'octet, ne coûte plus rien. Le plus proche de nos wikis, c'est peut-être tout simplement le brouillon d'écrivain, qui garde la trace du processus d'élaboration...
Dans quelques décennies, si tout cela ne se perd pas, on pourra étudier la gestation de la Wikipedia, les luttes d'influences, les négociations, la recherche des consensus. Imaginez que l'on ait tous les brouillons de l'Encyclopédie Diderot-D'Alembert, ou de l'Encyclopédie Méthodique de Panckouke (injustement méconnue) !
Alors, Jean-Louis, tout n'est peut-être pas perdu ? Peut-être le wiki sera-t-il l'outil de renaissance des brouillons ? Il y a déjà des projets d'écriture littéraire sur wiki (WikiRoman, projet Wikira, etc.). Ce sont des projets collaboratifs, mais qui sait si les auteurs individuels ne vont pas eux-aussi trouver dans le wiki un outil formidable de création ?
Jean-Louis Lebrave, chercheur à l'ITEM (Institut des Textes et Manuscrits modernes), s'inquiète de la disparition des brouillons avec la généralisation du traitement de texte. Dans quelques décennies, rien ne restera probablement de l'élaboration des chefs-d'oeuvre qui sont en train de naître... Quel écrivain, quel éditeur, garderont les différentes versions de leurs écrits pour la postérité ? L'informatique permet de livrer un produit fini, poli, parfait. Pourquoi garder des strates géologiques imparfaites, sales -- et peut-être bien embarrassantes ?
Un billet de Martin Lessard sur Zéro Seconde, a récemment retenu mon attention. Martin compare les wikis (l'encyclopédie Wikipedia par exemple) avec les palimpsestes du Moyen-Age. Les moines grattaient les parchemins, matériaux coûteux, pour y écrire à nouveau un autre texte :
Cliquer pour voir l'image dans son contexte original.
Voici ce que dit Martin :
C'est vrai que les wikis, avec leur possibilité de garder toutes les traces de la modification du texte électronique (j'allais dire du manuscrit!), ressemblent à ces parchemins grattés, où l'on peut encore parfois lire d'autres versions entre les lignes. Je regarde souvent moi-même l'historique des articles de Wikipedia avec autant d'intérêt que les articles eux-mêmes :
Le palimpseste technologiqueJe vous laisse lire le texte en entier sur ZeroSeconde. C'est l'une de petites merveilles qu'on trouve parfois sur les blogs, du kiss-cool pour la pensée... On en sort avec les neurones tout rafraîchis !
(nouvelle définition du wiki)
Texte sur une page web dont les copistes de l'Âge Internet ont effacé l'écriture pour y écrire un autre texte.
...suite...
C'est vrai que les wikis, avec leur possibilité de garder toutes les traces de la modification du texte électronique (j'allais dire du manuscrit!), ressemblent à ces parchemins grattés, où l'on peut encore parfois lire d'autres versions entre les lignes. Je regarde souvent moi-même l'historique des articles de Wikipedia avec autant d'intérêt que les articles eux-mêmes :
Mais il y a une différence de taille : les moines essayaient de laver le parchemin de toute trace antérieure. RAZ, reset, comme on dirait de nos jours. Ils ne corrigeaient pas, ils écrivaient autre chose. Le parchemin moderne, la peau d'octet, ne coûte plus rien. Le plus proche de nos wikis, c'est peut-être tout simplement le brouillon d'écrivain, qui garde la trace du processus d'élaboration...
Dans quelques décennies, si tout cela ne se perd pas, on pourra étudier la gestation de la Wikipedia, les luttes d'influences, les négociations, la recherche des consensus. Imaginez que l'on ait tous les brouillons de l'Encyclopédie Diderot-D'Alembert, ou de l'Encyclopédie Méthodique de Panckouke (injustement méconnue) !
Alors, Jean-Louis, tout n'est peut-être pas perdu ? Peut-être le wiki sera-t-il l'outil de renaissance des brouillons ? Il y a déjà des projets d'écriture littéraire sur wiki (WikiRoman, projet Wikira, etc.). Ce sont des projets collaboratifs, mais qui sait si les auteurs individuels ne vont pas eux-aussi trouver dans le wiki un outil formidable de création ?
7 Commentaires:
Au risque de me répéter, encore une fois un billet très intéressant.
Juste une petite remarque anecdotique: Le traitement de texte garde bien souvent une trace très lointaine des écrits d'un auteur. Effacez par exemple un document word, et sauvegardez le... une grande partie de l'historique du document est sauvegardé, même si le document est vide.
Pour ce qui concerne les Wiki, je suis depuis quelques années déjà un "mordu"!!! C'est une fabuleuse réponse au partage collaboratif des connaissances. Et comme vous le mentionnez à juste titre, au dela de la syntaxe simplifiée des Wiki et des liens "automatiques", le "versioning" des pages est vraiment dans la pratique quelque chose de de très intéressant (j'utilise tous les jours un Wiki dans le cadre de mon travail). Je reprocherais peut-être aux systèmes de "versioning" des Wiki l'impossibilité de "Tagger" des pages ou des ensembles de pages comme on le fait sous CVS (Concurrent Versions System) par exemple (le fait de "tagger" permet de poser un tag sur l'ensemble des pages et ainsi d'avoir un état global à un instant donné et d'y revenir plus tard... C'est ainsi qu'on versionne les sources d'un logiciel: Tag_pour_la_version_1.00, Tag_pour_la_version_1.5, ... ceci permet d'avoir une cohérence de l'ensemble des documents).
J'en profite d'ailleurs pour faire une "mini-annonce", mais le thème s'y prête vraiment: Je suis en train de mettre en place un Wiki motrech dont le but est de devenir une base de connaissances collaborative sur les moteurs de recherche et les sujets connexes (veille, référencement, linguistique, ...).
A suivre...
Il manquait dans votre article juste un lien vers le père de tous le Wiki. Voila, c'est chose faite... ;-)
Merci Jérôme pour ces commentaires, judicieux comme toujours. Les traces que laissent les différentes versions dans les documents MSWord posent de gros problèmes de confidentialité. Surtout ne pas écrire "ce gros con de patron" pour l'effacer ensuite ! Des entreprises se sont apparemment faites piéger à diffuser des choses pas vraiment voulues: Alcatel Fucks Up Bigtime (il y a un article intéressant sur ces problèmes sur Transfert.net).
Bon courage pour Wiki-Motrech !
Comment avez-vous deviné que je travaille chez Alcatraz ? (j'espère qu'avec ces mots je ne ferais pas grossir la liste des bloggeurs licenciés!)
Merci pour vos encouragements concernant Wiki-Motrech... et j'espère bien pouvoir vous compter parmi les futurs contributeurs!
A propos des Wikipedias, vous dites :
"Dans quelques décennies, si tout cela ne se perd pas, on pourra étudier la gestation de la Wikipedia..."
Justement, "si tout cela ne se perd pas". Cela est un grand point d'interrogation. Moi qui travaille aussi dans le domaine du TAL, je pense qu'il faut s'interroger sur les avantages d'électroniser le texte. D'un point de vue historique, un gros inconvénient : les formats de données, ainsi que le matériel sur lequel sont stockées les données, deviennent illisibles à une vitesse hallucinante. Quand on pense que nous ne sommes plus une culture où l'histoire est orale, un texte écrit, ou imprimé, sur papier fait partie de notre mémoire collective. Si on ne trouve pas assez vite des standards de formats de données, l'avenir du passé sera en jeu.
Oui, c'est un gros souci... Ma propre thèse est désormais illisible. Il n'y a finalement que le papier qui perdure. J'ai dans la tête de faire un billet sur ça un jour, si je trouve le temps !
On se verra peut-être le 12 mars ? ;-)
Oui, vivement le 12 mars ! Je ne manque jamais l'occasion de parler de formats durables, par exemple LaTeX (il fallait bien l'aborder, vous deux parliez plus haut de Word et de thèses illisibles)... :)
C'est assez amusant. J'ai écrit il y a quelques années un logiciel pour écrivain (un de mes rêves - être écrivain), et il avait d'origine le versionnement intégré du texte.
Enregistrer un commentaire