Jean Véronis
Aix-en-Provence
(France)


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mardi, janvier 25, 2005

Lexique: Les nouveaux recrus sont déjà fatigués

Je me suis dit, après mon billet d'hier, qu'il serait juste que le sexiquement correct joue dans les deux sens. La(le) gent(e?) masculin(e) peut aussi s'offusquer de quelques termes féminins qu'on lui fait porter en certaines circonstances, en particulier militaires. Sentinelles, estaffettes, ordonnances... Brimades ? Je me suis demandé si on avait commencé à employer une sentinel(le), un estaffet(te), un(e) ordonnant, et j'ai évidemment cherché sur Google. Mais les mots sont vieux, les professions périmées, et la recherche est polluée par le jeu Sentinel (orthographe anglaise), le logiciel Estafet (idem -- tiens, les anglais ont "masculinisé" ces formes en les important), ou le participe présent ordonnant (je ne suis d'ailleurs pas sûr que cette forme soit la bonne pour un masculin d'ordonnance). L'examen de quelques écrans ne m'a rien donné, mais j'ai pu en louper.

J'ai néanmoins trouvé un cas assez intéressant : les nouveaux recrus. Google liste quelques centaines de nouveaux recrus et recru(e)s (jeunes recru(e), nouveaux et nouvelles recru(e), etc.). Il y a donc bien une tendance, même si elle est infime (recrues possède 143 000 occurrences), à faire fonctionner le sexiquement correct à l'envers. Ce qui est amusant c'est que le mot recru existe déjà en français, bien qu'il soit un peu vieilli. C'est le participe passé de l'ancien verbe recroire ("se décourager, s'avouer vaincu"), qui a pris le sens de "fatigué, épuisé". On l'entend encore dans les formes recru de fatigue, de douleur. Le mot recrue, lui, est le participe passé de recroître : il désignait les soldats qui venaient recroître (on dirait maintenant accroître) les corps de troupes au combat. Rien à voir entre les deux donc... Je ne puis dire comment la nouvelle orthographe recru(e) s'est formée, mais peut-être est-ce une contamination par le verbe recruter (qui aurait un participe passé un peu court, mais on est habitué aux bizarreries verbales du français). Ou alors, peut-être les nouveaux recrus sont-ils déjà fatigués ?

Pas d'ambiguïté : je suis totalement pour la parité (la vraie, celle des faits, non celle des mots) ! Mais on peut quand même s'amuser... Il n'y aura que les mauvais(e)s gens pour y voir du mal. Ca ne choque person ?

5 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Je ne peux parler pour person, mais en tout cas personne ici !

On pourrait s'amuser longtemps à ce petit jeu, autrement. Ainsi, s'il y a des femmes qui sont vaches, il se trouve des hommes qui soient des salauds. Les vachers ont toutefois leurs vachères, alors que l'égalité se trouve sur le plan adjectivé vachard/vacharde, rarement employés... Des femmes salaudes, ça n'existe pas, mais des salops et des salopes... un peu plus !

Mais tout ça ne fait pas avancer le schmilblick.

Cathy
http://spheroide.joueb.com (si ça fonctionne toujours, car je n'y ai point accès depuis hier... En maintenance, je suppose)

30 janvier, 2005 15:50  
Blogger Jean Véronis a écrit...

La schmilblicke ?

30 janvier, 2005 16:00  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je dois avouer que là, pour un moment, je n'ai pas saisi... Puis, j'ai explosé de dire. J'en subis encore les SecOuSsEs ! Ovarb !

Cathy

30 janvier, 2005 23:03  
Anonymous Anonyme a écrit...

...explosé de rire, et non de dire...

La schmilblicke est confondue !

Cathy

30 janvier, 2005 23:06  
Anonymous Anonyme a écrit...

Dans google, on trouve aussi des dictionnaire éthymologiques.

J'ai regardé pour recrue
Le terme recruter n'existait pas. A la place, il fallait dire "faire des recrues", recrue étant utilisé comme un mot invariable apparamment. On a fini par inventé le verbe recruter, qui a comme participe passé recruté(e). (Et croître a comme participe passé crû).
Le terme de recrue était sûrement utilisé dans le cas d'une sur-augmentation (ex : "la recrue d'un régiment").
En bref, recru n'a jamais existé dans ce sens là !

Quant à recru (qui s'écrit aussi recrû), il vient de recrëut (= "qui se rend, qui s'avoue vaincu"), lequel vient du latin recredere (= se rendre à merci) lui même issu de credere (croire).
Il y a aussi l'ancien verbe recroire, qui ne veut pas dire "y croire encore", mais "se décourager".

C'est bien compliqué, tout ça ... :-S

13 août, 2006 05:57  

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